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KI SIPÒ ÉKWITI KWÉYÒL KA JWENN AN SENT LISI ?

Par Marcian W. E. JN PIERRE
KI SIPÒ ÉKWITI KWÉYÒL KA JWENN AN SENT LISI ?

Lors des journées d'études sur la graphie du créole organisées récemment par le CRILLASH, le groupe de recherches de la Facuté des Lettres et Sciences Humaines de l'UAG (Université des Antilles et de la Guyane), Marcian W. E. Jn-Pierre, militant créoliste saint-lucien, a présenté la communicaion ci-après. Notons que le GEREC, bien connu aux Antilles, n'a plus d'existence administrative, ayant été contraint de se fondre, avec d'autres groupes de recherches, au sein du CRILLASH.

Quel soutien existe-t-il pour l’écriture de la langue créole à Sainte Lucie ?

Entre 1997 et 1999, un auteur britannique Michael Walker, spécialiste d’anglais langue étrangère, et qui est retraité à Sainte Lucie, dirigeait sa maison d’édition An Tjè Nou, où je travaillais en tant qu’écrivain et correcteur. Son but était de créer des textes en créole sainte lucien et d’aider les élèves à développer une compétence orale et écrite du créole et de l’anglais. Au fil de ces deux années, l’équipe de six personnes a publié une vingtaine de textes. Le GEREC-F en possède des exemplaires.
Voilà en bref l’existence de la société :

Nous avions pour projet de créer des textes pendant un an. Un travail dont le gouvernement sainte lucien était au courant car M. Walker soutenait un contact permanent avec les dirigeants au Ministère de l’Education.

L’année suivante, les enseignants et enseignantes des écoles primaires du nord (dans la région de Babonneau précisément) utiliseraient ces textes dans leurs classes avec les élèves ayant le créole pour langue maternelle. (Il ne faut pas croire qu’il n’y a plus d’enfants pour qui le créole est la langue maternelle. On doit aussi prendre en compte qu’il y a des enfants qui ont une compétence dans les deux langues avant même d’aller à l’école).

Qu’est-ce qui s’est passé ?

Pendant la première année, au moins dix textes ont été édités. Lors d’un programme télévisé, le grand public a été mis au courant de ce que nous faisions. Le gouvernement n’aurait pas eu un sous à payer en nous permettant de former les enseignants dans l’enseignement du créole; et ce sont les parents qui auraient acheté les livres. Malheureusement, à la fin de cette première année nous n’avions toujours pas reçu l’autorisation officielle de former les enseignants et enseignantes et d’introduire aux élèves l’écriture de leur langue maternelle. Nous avons quand même poursuivi la création d’une dizaine d’autres textes.

Lors des célébrations de la journée internationale du créole en octobre 1998, nous avons vendu beaucoup d’exemplaires de nos textes. Mais la chose choquante, c’est que quelques personnes nous ont injurié en ajoutant qu’on ne doit pas gagner de l’argent en utilisant la langue créole, et ils demandaient pourquoi un blanc s’intéressait au créole (M. Walker est blanc). Beaucoup d’autres ne savaient pas que le créole était une langue écrite. Mais le pire c’est qu’à la fin de deux ans de promesses de la part du gouvernement et de créations de textes de notre part, le droit d’introduire le créole dans les écoles nous a éludé. Je me demande pourquoi ?

À la fin de notre deuxième année, le projet créole a été mis en suspens. Cependant, vers la fin de l’année scolaire 1998-1999, après les examens, dans les écoles primaires les élèves étaient plus ou moins livrés à eux-mêmes. Nous avons donc pu passé au moins un mois dans l’école primaire de La Guerre à Babonneau où nous avons appris aux élèves de 10 à 11 ans à lire en créole. Ils l’ont appris très vite. Etant donné que tous les élèves étaient créolophones, les cours ont été dispensés totalement en créole, sans problème. Dès la première classe, tous les élèves ont reçu un livre de contes créoles. Chose étonnante, ils ont essayé de les lire automatiquement, démontrant ainsi un vif intérêt.
Après quelques séances de lecture, ils étaient capables de lire tout seuls et tout le monde participait, même les élèves qui, selon leurs enseignants, ne contribuaient pas grand chose d’habitude.

Le projet suspendu, M. Walker a continué à travailler seul sur un texte ‘BONJOU SENT LISI’ pour l’enseignement du créole langue étrangère. Tous les lundis, du 25 octobre 2004 au 31 janvier 2005, des extraits de ce texte et d’autres articles tels que des mots croisés, des contes et quelques uns de mes poèmes figuraient sur quatre pages qui s’intitulait BONJOU SENT LISI dans le journal ‘THE STAR’. La publication de ces pages n’était pas du tout gratuite : c’est une compagnie téléphonique qui la parrainait.

Maintenant, mettons de coté un moment l’histoire de Mr Walker et sa maison d’édition ‘An Tjè Nou’, et passons à un autre sujet.

En 2003, Le « National Enrichment and Learning Programme qui a pour sigle NELP, m’a engagé pour donner des cours de créole aux adultes. Le NELP est un programme du Ministère de l’éducation qui organise des cours pour des personne qui n’ont pas complété leurs études primaires ou secondaires. Le NELP pendant que j’y travaillais, proposait des cours d’anglais de base et de mathématiques aux adultes. Il était prévu que j’enseigne aux apprenants capables de lire et écrire en anglais, parlant le créole et désireux de pouvoir le lire. A ma grande surprise, la classe qu’on m’avait assigné, se composait de trois groupes d’apprenants :

- des apprenants bilingues qui savaient déjà lire en anglais mais qui désiraient apprendre à lire en créole.

- des apprenants analphabètes qui parlaient le créole comme langue maternelle, mais qui maitrisaient mal ou pas du tout l’anglais.

- des apprenants anglophones, dont une étrangère, qui désiraient apprendre le créole.

Après quelques mois de gymnastique mentale, j’ai démissionné. Quelques jours plus tard j’ai rencontré une amie que je n’avais pas vu depuis longtemps. En lui faisant part de mon expérience, j’ai découvert que c’est elle que j’avais remplacée. Elle avait démissionné pour les même raisons que moi : les responsables du programme NELP faisaient la sourde oreille face à ses difficultés à gérer une classe si hétérogène.
Vous commencez à comprendre un peu le genre de problèmes que nous rencontrons quand nous essayons d’apprendre au public créolophone à lire et à écrire sa langue, notre langue.

À ma connaissance, il n’y a pas de politique ayant pour but la valorisation du créole. Quant à l’écriture et la lecture du même, n’en parlons même pas !. (Je fais référence au Ministère de l’Éducation)
Chaque année, en octobre, on célèbre l’héritage culturel créole. Cela pourrait être un moment opportun pour promouvoir l’écriture de la langue et y sensibiliser le public. Actuellement, nous ne faisons pas assez d’actions pour y parvenir et les gens n’y sont pas assez réceptifs.

Tâche difficile, mais pas impossible. De plus en plus, dans les publicités écrites, on trouve une phrase ou deux en créole, la plus part du temps sans graphie spéciale. C’est un bon début, je pense. Il ne reste plus qu’à promouvoir la graphie proposée par le GEREC-F.
Il y a un grande partie de la population sainte-lucienne qui ne voit pas du tout l’importance d’écrire le créole ou pire de l’introduire dans les écoles. Beaucoup demandent :

Ecrire le créole pour quoi faire ? Pourquoi enseigner cette langue a mon enfant ? ça ne lui servira à rien. Même ceux qui déclarent aimer le créole pose ces questions là. Marie-José Cerol, dans son « Une Introduction au créole guadeloupéen » dit : « ... nous prétendons aimer notre langue, mais aimer à moitié n’est pas aimer » Pour beaucoup le créole reste une langue d’illettrés qui n’a pas sa place parmi les langues écrites.

Mesdames et messieurs, la promotion de la graphie du créole à Sainte Lucie est un vrai combat, aussi bien sur le plan mental qu’émotionnel.
Devrions-nous fuir le champ de bataille ? Devrions-nous creuser une fossé pour enterrer notre propre langue au lieu de la soutenir ? IL N’EN EST PAS QUESTION.

Mesdames et messieurs, je vous remercie.

{{Marcian W. E. JN PIERRE}}

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