Paulette (1896-1985), Jeanne, Andrée, Alice, Emilie, Lucie, Cécile
« Nous n’étions que des femmes. Nous avions ouvert la voie aux hommes »
Quand on parle de Négritude, on pense Césaire, Senghor, Damas.
Quand on parle de féminisme, on pense à l’UFM (Union des Femmes de Martinique), créée en 1944.
Quand on parle d’hygiène, de santé, d’actions en faveur de la famille, de la mère et de l’enfant, on pense au Front Populaire et au programme social du Conseil National de la Résistance aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale.
Les soeurs Nardal symbolisent aussi cette nouvelle conception du monde qui cherche à donner aux faibles, aux déshérités, aux opprimés une place dans la société. Elles ont marqué les mouvements intellectuels, littéraires, scientifiques, artistiques au sein des étudiants martiniquais dans le Paris de l’entre-deux-guerres, puis en Marti-nique au XXe siècle.
Au cours des années 1920-1930, les étudiants martiniquais à Paris s’ouvrent aux civilisations africaines et à leurs diasporas de la Caraïbe et du continent américain. C’est une conscience de race qui s’éveille. Le salon des soeurs Nardal à Clamart est fréquenté par les Martiniquais Aimé Césaire, René Maran (Prix Goncourt 1921 pour « Batouala »), le Sénégalais Léopold Sedar Senghor, le poète cubain Nicolàs Guillèn, le Guyanais Léon Gontran Damas, l’anthropologue haïtien Jean-Price Mars, le Ja-maïcain Marcus Garvey, la cantatrice noire américaine Marian Anderson… C’est un mouvement d’avant-garde illustré par la parution de « La Revue du Monde Noir ».
« Bâtir une identité nègre » posait certes quelques difficultés et contradictions au moment où d’autres, comme Frantz Fanon, parlaient de culture négro-africaine des-tinée à « se densifier autour de la lutte des peuples, et non autour des chants, des poèmes ou du folklore ». Mais il y avait chez les soeurs Nardal, en particulier chez la plus connue, l’aînée, Paulette, une dynamique de revalorisation de soi, un désir d’ap-propriation d’un passé autre que celui présenté par le colonisateur, une volonté de parler de « Nous » comme partie d’un ensemble plus large qu’on pourrait appeler un humanisme universel.
Marie-Hélène LEOTIN,
Conseillère Exécutive en charge du Patrimoine et de la Culture