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Dires du monde

HOMMAGE A HENRY SIDAMBAROM A PARIS

Par KHAL TORABULLY sur www.lemauricien.com
HOMMAGE A HENRY SIDAMBAROM A PARIS

Le lundi 15 septembre fut rendu le premier hommage à Henry Moutou Sidambarom (5 juillet 1863-21 septembre 1952) en France métropolitaine, lors de l’événement organisé par la dynamique Jennifer Pélage, Présidente de l’Association Agir Ensemb et les descendants de cet homme encore trop méconnu.

Cet événement débuta par une allocution de Sophie Eliséon, déléguée interministérielle pour l’Outre-mer, qui rappela l’importance de Sidambarom dans l’Histoire de France. Maître Moutoussamy, du Comité Henri Sidambarom, mit l’accent sur son parcours non-violent. J’eus l’honneur d’être associé à cet hommage, juste avant la projection du documentaire de Raymond Philogène "Henry SIDAMBAROM: jusqu'au bout du rêve".
Sidambarom et ses contemporains
Il est important de mettre en lumière ceux et celles qui ont été les figures de proue de l’engagisme. Parmi celles-ci émerge le Mahatma Gandhi, qui a découvert la philosophie de la non-violence, la Satyagraha, avec le sort des engagés en Afrique du Sud, modifiant en cela la face du monde. Cependant, dans cette deuxième moitié du 19ème et première moitié du 20ème siècles, trois hommes d’importance se signalent parmi ces humains qui ont tôt fustigé cette exploitation des hommes par d’autres. Ils sont, sur le versant indiaocéanique, Adolphe de Plevitz et Manilal Doctor, et sur le versant caribéen, Henri Sidambarom. Tous trois se sont dévoués à la cause de ces hommes, femmes et enfants qui ont remplacé les esclaves, et qui en ont connu l’arrière-saison des douleurs. Sidambarom, avocat autodidacte, a mené un long combat pour que le déni de l’identité des descendants d’engagés cesse. Quitter le statut de l’apatride, de l’oublié, du muet de l’Histoire, pour en revêtir celui du citoyen, reconnu dans son existence, son habeas corpus, en effet, ne fut pas un combat anodin.
Le combat de Sidambarom pour la citoyenneté
En effet, Sidambarom a mené une lutte qui illustre les grandes valeurs de l’engagisme. L’on ne saurait oublier qu’en Guadeloupe, au début du 20ème siècle, les descendants des engagés, venus de l’empire britannique, n’étaient pas considérés comme des citoyens de la République française, leur droit de vote était, de ce fait, à géométrie variable. Considérés comme des mineurs, ils étaient cantonnés à la plantation. Donc, même si l’engagé se trouvait dans un cadre de travail visé par des textes de loi, il se trouvait en vérité dans une zone de non-droit, en quasi situation d’apatride.
Avec l’abolition de l’esclavage, les ligues abolitionnistes anglaises avaient veillé à ce qu’un contrat donne à l’engagé l’habeas corpus. Il était payé, nourri, logé, même si les abus furent légion. On pourrait dire que cette reconnaissance par le contrat du travail, adoubé d’une reconnaissance juridique, était un grand progrès par rapport à l’esclavage. L’esclave, en effet, était un objet, un meuble, son statut objectal avait été scellé par l’infâme Code Noir de Colbert. Il était légué à l’héritier du maître avec les meubles. L’engagé est, lui, muni d’un contrat, l’inscrivant dans l’humanité. Oui, mais… Un coup de dé n’abolit pas le hasard et une loi n’efface pas les pratiques esclavagistes ancrées dans le racisme et l’exploitation. Parmi les preuves incessantes, irréfutables de cette « nouvelle forme d’esclavagisme », aussi qualifiée de servilisme, le cas que combattit Sidambarom est exemplaire de ce non-droit dans lequel végétèrent les engagés, et leurs descendants en Guadeloupe. Ils étaient confinés dans un espace d’hommes exilés promis à la déréliction.
Les engagés n’étaient donc pas les égaux des descendants des esclaves, et encore  moins des descendants du maître. Aussi, l’intégration dans le tissu républicain était un facteur favorisant un meilleur enracinement dans le monde caribéen. Elle revêtait une importance capitale dans le contexte du double rejet de l’indien en milieu caribéen, à la fois par le système dominant et le dominé en créolisation. En devenant citoyens, les fils et filles d’Indiens ne seraient plus ces étrangers de l’intérieur, muets et invisibles, leurs altérités n’étant plus celles de ces « autres » irréductibles. C’est le sens essentiel du combat de Sidambarom, celui que l’on appelait le Père Sidambarom, ancrant les engagés pleinement  dans le cadre de la Loi.
La lutte par la loi et la pétition
Il faut rappeler ici que si la lutte de l’engagé se fait essentiellement par la pétition et la loi, c’est que le coolie part avec un contrat, un document juridique, à l’opposé de l’esclave. Donc, son combat n’est pas forcément de l’ordre du marronnage et de révoltes, bien que cela eut lieu, de même qu’avec le suicide par nostalgie et le vagabondage. L’essentiel de cette lutte s’inscrit dans le texte des lois ; cela se voit avant Gandhi par les coolies eux-mêmes et leurs intermédiaires, en multipliant les pétitions, et après, avec de Plevitz, Manilal Doctor et Gandhi… Il est significatif de signaler que Doctor, Gandhi et Sidambarom furent tous trois avocats, et pétitionnaires… Trois champions de la cause de l’engagisme dans divers coins du monde, avec le même profil militant investi dans le travail du texte et du langage juridiques. Et cela n’est pas un pur hasard, le statut juridique du contractuel instituant un cadre de luttes que l’on retrouve dans les pays pratiquant l’engagisme. Rappelons que Sidambarom, enfant déjà, était traducteur entre le tamil de ses parents et le français de l’administration coloniale. Il comprit, très tôt, que c’est dans le langage juridique qu’il devait mener son combat, pour sortir ses semblables du statut de « mineurs » de la République. Ce combat, commencé en 1904, dura une vingtaine d’années, dans un cadre non-violent… La Justice finit par lui donner raison, car la République, dans son essence, ne doit pas établir une hiérarchie entre les citoyens. La Guadeloupe réalisa ainsi, grâce à ce pétitionnaire hors pair, son œuvre égalitaire, inaugurant une nouvelle citoyenneté ultramarine.

Sidambarom se battit ainsi pour une juste cause, une cause humaine, pas pour un clan, une caste ou une « race ». En effet, le décret de 1852 qu’il contesta concernait « non seulement les indiens mais les Africains, il découlerait que non seulement les fils d’indiens mais encore les fils d’Africains seraient compris dans la même exception ». Ces textes avaient aussi pour conséquence que « les fils de certains blancs ne pourraient être citoyens français, tous n’étant pas nés de fils de Français… »(1).

Henri Sidambarom, je tiens à le souligner, est une figure majeure de l’engagisme. Son sens inné de justice est à rappeler au sein de la nation française. C’est dans cette optique que je proposai le projet d’une anthologie pour que le travail entrepris pour son œuvre à la Salle Félix Eboué soit poursuivi en France et dans d’autres pays. Le Panthéon devrait ouvrir ses portes à ce noble défenseur de l’humanité, c’est ma profonde conviction.

(1)               http://pedagogie.ac-guadeloupe.fr/files/File/arts_culture/TEXTES/Dossier...

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