Bertène Juminer est incontestablement, dans ces lieux métissés qui sont les nôtres, l’un de ceux qui nous plongent dans le diversel. Le mot peut paraître étrange mais il nous somme à un entrelacement des imaginaires et des cultures qui est la marque des identités mosaïques.
Enfant de la Guyane et de la Guadeloupe projeté par un destin personnel dans les tourments du monde, il a su épouser le divers dans un nomadisme qui l’ouvrait à la conscience de l’humanisme et à la nécessité d’un engagement jamais démenti.
Homme de toutes les terres, il a porté sa science à Montpellier, en Tunisie, en Iran, au Sénégal, à la Martinique en apportant à chaque fois l’excellence d’une conscience qui savait que « l’école est la terre des gens sans terre ». Autrement dit sa vie aura été un défi relevé face à l’ignorance, à l’aliénation, à la domination qui résultent des colonisations uniformisantes.
Emanciper l’homme et en particulier l’homme colonisé, tel fut son credo d’homme de science et de culture devenu le premier Recteur antillo-guyanais de l’Académie des Antilles et de la Guyane dont le siège se trouvait à la Martinique.
La santé publique, le développement économique et social, l’affirmation de nos identités plurielles trouvèrent en lui un défenseur et un acteur passionnés dont la pensée culmine dans une œuvre littéraire saluée par Aimé Césaire et Frantz Fanon.
Œuvre d’un « bâtard » exceptionnel, soucieux d’explorer des géographies inconsolées de nos territoires afin de faire jaillir les sources vivifiantes de la fraternité.
Par sa multiplicité de trajectoires, de carrières, de racines, il énonce de manière exemplaire le divers comme lieu d’existence assumée et forme d’habiter nos communes blessures et nos rêves conjoints par delà les frontières apparentes. L’universel, en son étroite définition, se voulait un douanier des cultures au nom de La Culture. Remercions Bertène Juminer d’avoir, au bout de sa parole de nuit, allumé les étoiles miraculeuses de la diversalité.
Ernest Pépin