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Histoires de France : les « Malgré-nous » en Alsace.

Nady Nelzy-Odry
Histoires de France : les « Malgré-nous » en Alsace.

   Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine Et, malgré vous, nous resterons Français Vous avez pu germaniser la plaine Mais notre cœur vous ne l'aurez jamais !

   Une catégorie qui reste confidentielle dans la vaste nomenclature de l’histoire de la France  hexagonale , mais un sujet alsacien par excellence, une tragédie et une blessure de conscience  que l’on découvre dés que l’on s’intéresse de près à cette  grande et riche Alsace, une région historique et culturelle  du nord-est  français, située à la frontière avec l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse. Pour saisir le sens de cette appellation historiquement propre à la région,  il est nécessaire de s’instruire sur les spécificités de l’Alsace et la Lorraine.

   Historiquement, l’Alsace est une terre de langue germanique, une de ces langues régionales, qualifiée de dialecte dans le sens où la grammaire et la graphie, ne sont pas codifiées. Comme la langue créole, la langue alsacienne n'est pas unifiée et le dialecte pratiqué peut varier d'une commune à l'autre. Toutefois, on peut les regrouper en plusieurs familles et ici  tout naturellement, se côtoient dans les langages et dans les expressions l’Allemand/le Français/l’Alsacien. En France, l’Alsacien est la deuxième langue autochtone pour son nombre de locuteurs (environ un tiers de la population). 

   L’annexion de l’Alsace-Lorraine, à l’Empire Allemand en 1870 a pour origine la guerre franco-prussienne qui, bien que brève, aura des conséquences dramatiques pour les deux nations et l'ensemble de l'Europe. De l'humiliation ressentie par les Français et de l'arrogance nouvelle de l'Allemagne vont surgir les deux grands conflits mondiaux du XXe siècle. La France et l'Allemagne, qui éprouvaient jusque-là de la sympathie et même de l'attirance l'une pour l'autre, vont désormais se percevoir de façon très exagérée comme des « ennemis héréditaires ». Les deux annexions des Français d’Alsace à l’Allemagne seront à tout jamais une souillure indélébile. Aujourd’hui encore, avec l’Europe, la gouvernance Angéla Merkel/Emmanuel Macron, aborder le sujet avec des alsaciens c’est  toujours ouvrir une vieille blessure.  

   En 1870, La réaction des habitants s’est traduite par des grèves à répétition, des révoltes larvées, et  même si le sentiment français resta encore très fort dans la population, le manque de vivres, les pilonnages quotidiens et la succession des échecs militaires provoquèrent une agitation croissante, puis un repli. L’Alsace (hors arrondissement de Belfort qui restera français) et une partie de la Lorraine seront annexées à l'Empire allemand par un traité préliminaire de paix en février 1871. Il met fin aux combats entre la France et l'Allemagne et fixe les conditions de la paix. Dés 1872, la politique et les cultures allemandes s'implantent dans cette partie de la France, l'Université de Strasbourg devient le miroir de la connaissance allemande, la France perd alors ses derniers droits en Alsace, conformément à l'échéance spécifiée dans le traité de Francfort.  La loi sur l'enseignement obligatoire est votée. Une délégation régionale « Landesausschuss » est créée, une branche politique alsacienne de 58 membres élus participe à la politique allemande, l'Alsace obtient le droit de donner son avis quant aux lois émises par le Kaiser (empereur),  elle acquiert celui de proposer des lois, un découpage administratif est organisé. Entre 1881 et 1911, des lois sociales à l'avantage des habitants sont votées. Parmi elles, des règlements concernant l'assurance maladie, les retraites et les accidents du travail. Aujourd’hui encore l’Alsace jouit d’un traitement différent de la France à propos de bien des sujets.  

   1918, date de la fin de la première guerre mondiale, permet à la France de récupérer les territoires alsaciens. Le retour des territoires alsaciens perdus dans le giron de la France ne s'est pas fait sans douleur ni maladresse de la part de l'administration française. Sur le plan culturel,  l'administration tenta de développer l'usage du français non sans une politique d’assimilation. L'alsacien est limité à l'école dans les communes à majorité francophone, même si l'enseignement religieux se fait en allemand ou en dialecte, les fonctionnaires s'exprimaient généralement en français.   En 1918, Les habitants de l'Alsace-Lorraine seront divisés en quatre classes de citoyens,  puis marqués par les inscriptions A-B-C-D sur leurs cartes d'identité. Ce classement des citoyens sera établi en fonction de l'ascendance et d'enquêtes, plus ou moins fiables dans un climat de délation, sur le degré de francophilie. Chaque classe correspondant à des droits civiques différents. Les autorités françaises iront jusqu’à mettre en  en place une politique d'épuration. 112 000 personnes seront  expulsées. Au printemps 1919 des commissions de triage sont chargées de l'examen individuel des Alsaciens selon les propos, les positions prises ou leur attitude supposée 1940, c’est la deuxième guerre mondiale et l'occupation nazie, l’Alsace et la Lorraine furent à nouveau annexées de fait au Troisième Reich et forment le pays « Gau Oberrhein » dont la capitale administrative est Strasbourg. Il est alors formellement interdit de parler alsacien ou français. L'apprentissage et l'usage de l'allemand sont obligatoires sous peine de sanction. Une propagande active est mise en place pour inciter les jeunes Alsaciens à s'engager dans la Wehrmacht. Beaucoup refusent alors  de s'engager dans l'Armée allemande et de soutenir le régime.  Le 25 août 1942. 100 000 jeunes Alsaciens seront ôtés à leurs familles et envoyés de force, principalement sur le front de l'Est, pour combattre l'armée de Joseph Staline. 30 % furent tués ou portés disparus. Beaucoup choisirent de déserter la Wehrmacht pour se rendre délibérément à l'Armée rouge et ainsi, en tant que Français, rejoindre le général de Gaulle et la France libre, mais les Soviétiques n'avaient, dans leur grande majorité, pas connaissance du drame de ces Alsaciens. Beaucoup furent donc considérés comme des déserteurs ou des espions, et donc fusillés, victimes d'une double méprise. Les autres ont été faits prisonniers par les Soviétiques et déportés au camp de Tambov.  

   « On a défilé dans des villes étrangères, on était mal vus, ça hurlait, gueulait, on nous a jeté des pierres et des boites de conserves. Il y en avait parmi nous qui étaient malades… la diarrhée et il fallait marcher, marcher encore. Tout en marchant, ils descendaient leurpantalon. Après on nous a emmené à la gare pour nous mettre dans des wagons et nous envoyer dans des  camps de concentration … »

   Dans le conflit qui séparait ces deux nations, l’Allemagne et la France, il est coutume d’interpréter selon un axe du Bien et du Mal, à faire coïncider choix de l’uniforme et choix moral. A savoir, ceux qui ont servi sous uniforme français avec Leclerc ou de Lattre de Tassigny  étaient les gentils. Ceux qui ont porté l’uniforme hitlérien représentaient les méchants, forcément complices des horreurs que ces deux conflits majeurs ont eut à créer. 

   Un drame douloureux  pour ces « malgré-nous », une jeunesse promise à devenir des paysans, des étudiants … ouvriers, artisans, fonctionnaires, époux et pères de famille, pourquoi pas soldats, se sont retrouvés sous les ordres d’un régime fasciste, envoyés en Europe de l’Est. Leur odyssée n’a rien de glorieux et si la parole a fini par se libérer, elle le sera comme une ultime libération pour expliquer l’indicible 

   Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine Et, malgré vous, nous resterons Français Vous avez pu germaniser la plaine Mais notre cœur vous ne l'aurez jamais !

   Mais nous savons bien que l’Histoire des Hommes étant une affaire politique, sa mémoire est bizarre et l’on préfère au lieu d’expliquer, la simplifier.

   Vous aurez remarquez que je n’ai pas dit un mot des Soldats Noirs de la République. Dans ce Mémorial de l’Alsace-Moselle,  dédié à l’Histoire de ce peuple balloté pendant plus de 70 ans, j’ai cherché inlassablement, mais sans succès, un témoignage évoquant la présence des nôtres dans ces moments si difficiles. Pourtant lors de la première guerre mondiale pour défendre le front Est, un  recrutement de masse fut organisé. De 8 000 tirailleurs Sénégalais en août, on est passé à 40 000 fin 1916, répartis en 60 bataillons. 

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