Accueil
Aimé CESAIRE
Frantz FANON
Paulette NARDAL
René MENIL
Edouard GLISSANT
Suzanne CESAIRE
Jean BERNABE
Guy CABORT MASSON
Vincent PLACOLY
Derek WALCOTT
Price MARS
Jacques ROUMAIN
Guy TIROLIEN
Jacques-Stephen ALEXIS
Sonny RUPAIRE
Georges GRATIANT
Marie VIEUX-CHAUVET
Léon-Gontran DAMAS
Firmin ANTENOR
Edouard Jacques MAUNICK
Saint-John PERSE
Maximilien LAROCHE
Aude-Emmanuelle HOAREAU
Georges MAUVOIS
Marcel MANVILLE
Daniel HONORE
Alain ANSELIN
Jacques COURSIL

Henry Lemery, ministre martiniquais dans le gouvernement français

Raphaël CONFIANT
Henry Lemery, ministre martiniquais dans le gouvernement français

   Il faut une sacré dose de patience pour supporter d'entendre à longueur de journée des inepties ou des contrevérités, cela dans la bouche de gens qui croient avoir la science infuse alors qu'ils sont tout simplement des incultes. Dans la Martinique d'aujourd'hui, le premier quidam venu, sans avoir jamais ouvert un livre de sa vie, s'imagine pouvoir vous asséner sa vision du pays et de l'histoire du pays, surtout quand il est journaliste ou politicien. Quand je dis "livre", je ne parle évidemment pas de "livre de littérature" c'est-à-dire de romans ou de recueils de poésie. Je parle de livres d'histoire, d'anthropologie, de sociologie, de psychologie, de politologie, d'économie etc...Que je rende au passage un hommage au grand éditeur Emile DESORMEAUX, récemment décédé, qui a eu le courage de republier toute l'œuvre de Victor SCHOELCHER, les "Mémoires d'un colon à la Martinique" en 4 tomes du Béké de Sainte-Marie, Pierre DESSALLES (propriétaire de la plus vaste "habitation" de la Martinique, l'Habitation Nouvelle Cité, qui faisait au milieu du XIXe siècle près de 300 hectares), "Le préjugé de race aux Antilles" d'un autre Béké G. SOUQUET-BASIEGE publié pour la première fois en 1880 et s'agissant du XXe siècle, pour ne prendre que cet exemple, "De la Nation martiniquaise" de Camille DARSIERES. Ou encore le Dictionnaire Encyclopédique des Antilles et de la Guyane en 7 tomes.

   Incultes, ne lisant jamais de livres, n'ayant jamais entendu parler, autre exemple, de l'indispensable "Le Capital au XXIe siècle" (2013) de Thomas PIKETTY, ces journalistes et politiciens contaminent le Martiniquais moyen qui à son tour se croit autorisé à pérorer sur n'importe quel sujet avec l'assurance d'un spécialiste de la question. C'est un peu comme si moi, je m'aventurais à écrire un article sur l'ornithologie ou la gynécologie ou à tenir des discours sur ces sujets. C'est pourquoi à chaque renouvellement de gouvernement en France, on entend ou on lit la même déploration : "Nous n'avons jamais eu de ministres dans le gouvernement français, c'est pourquoi la Martinique est dans cet état-là".  La première affirmation ("jamais de ministre") est fausse ; la deuxième ("dans cet état-là") est grotesque. Et grotesque pour une simple et bonne raison : le fait pour la Guadeloupe d'avoir eu 6 ministres ou secrétaires d'état au cours des trois décennies écoulées a-t-il permis à celle-ci de devancer de manière conséquente la Martinique au plan économique, sociétal ou culturel ? La réponse est bien évidemment non et ceci même quand certains de ces ministres chauvins se laissaient surprendre par des lapsus du genre "En tant que ministre de la Guadeloupe, je pense que...heu, en tant que ministre de l'Outremer, je pense...". Et avoir un cyclotron trois ou six mois avant son son voisin n'est pas une chance ou un exploit.

   Quant à la première affirmation, elle relève d'une ignorance crasse de notre histoire : la Martinique, en effet, a été la première colonie à avoir un ministre dans un gouvernement, en fait dans divers gouvernements, français et ce ministre s'appelait Henry LEMERY, né en 1874 à Saint-Pierre et décédé en 1972 à Paris. Cet avocat, qui perdra presque tout sa famille dans l'éruption de la montagne Pelée à Saint-Pierre, en 1902, deviendra sous-secrétaire d'état non pas d'un obscur chef de gouvernement, mais de CLEMENCEAU. Oui, du grand Georges CLEMENCEAU en personne ! Et les domaines affectés à LEMERY n'étaient pas non plus anecdotiques. Qu'on en juge : l'industrie, le commerce, les postes et télégraphes, les transports maritimes et la marine marchande (cela à une époque où les avions de ligne ou cargos n'existaient pas encore !). Notre Martiniquais ministre n'a donc pas été un banal ministre des colonies ! En fait, LEMERY fut élu député de la Martinique en 1914 et sénateur de la Martinique en 1920, mais s'il a été l'un des premiers hommes politiques martiniquais à réclamer l'assimilation, il ne s'est jamais perçu comme un ministre de la Martinique ou des Antilles. Il était ministre de la République. Point à la ligne.

  En 1934, Henry LEMERY deviendra même garde des sceaux c'est-à-dire ministre de la justice, soit presque...70 ans avant Christiane TAUBIRA. Malheureusement, sous le régime de Vichy et du Maréchal PETAIN, il acceptera d'être ministre, ce qui, à la Libération, lui vaudra de passer devant la Haute Cour de Justice comme tous les collaborateurs, mais il sera acquitté car il avait rejoint la Résistance même si c'était tardivement. H. LEMERY a donc été plusieurs fois ministre de 1917 à 1939 c'est-à-dire pendant...22 ans. Donc que les pleurnichards et les ignares qui aujourd'hui nous bassinent avec leur "On n'a pas de ministre Martiniquais, sniff !", arrêtent de nous gonfler un peu ! Cela a-t-il été bénéfique pour la Martinique ? La réponse est bien évidemment : NON. Et pourquoi ? Parce qu'un ministre français est ministre de la République. Il n'est pas ministre du Poitou-Charentes, de la Guadeloupe ou de Trifouillis-les-Oies. Et si certains ministres effectivement s'emploient à chouchouter leur région d'origine, cette affection ne peut pas aller bien loin dans le système jacobin français (même décentralisé comme il l'est de nos jours).

   Sinon, Henry LEMERY était également un intellectuel qui a publié les 8 livres suivants dont l'un au moins mériterait d'être republié à avoir "La Révolution française à la Martinique" car nous n'avons pas tant que cela d'ouvrages qui traitent de cette période

 

·  De la guerre totale à la paix mutilée, Alcan, 1931.

·  La Révolution française à la Martinique, Larose, 1936.

·  La Justice du Frente popular en Espagne, Éditions de France, 1937.

·  La Tragédie espagnole, ACIP, 1938.

·  La Russie et la France, Amis de la Russie nationale, 1938.

·  L'Heure de la Russie nationale, Amis de la Russie nationale, 1940.

·  De la paix de Briand à la guerre de Hitler, Vigneau, 1949.

·  D'une république à l'autre – Souvenirs de la mêlée politique 1894-1944, La Table Ronde, 1964.

 

·     Quand on voit donc certains de nos politiciens au petit pied d'aujourd'hui se vanter d'avoir créé un concept (tel celui de "l'andidannité" qui aurait mieux fait de s'appeler "l'andidankoukounité"), il y a de quoi se rouler par terre de rire. Il n'y a pas qu'à l'école et à l'université que "le niveau baisse" comme disent les spécialistes de ces domaines, dans notre monde politique, le niveau ne baisse pas, il plonge carrément...

Connexion utilisateur

CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain afin d'éviter les soumissions automatisées spam.

Pages