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Grenade: l’île verte et son or bleu

Hélène Clément
Grenade: l’île verte et son or bleu

L’île de la Grenade, longue de 34 kilomètres et large de 19, est montagneuse en son centre et cultivée le long des plaines côtières. Y poussent cacao, vanille, clous de girofle, gingembre, muscade… d’où son surnom d’« île aux épices ».

Toutes les images qui s’associent par nature à la Caraïbe se groupent ici : un ciel bleu pétant, des plages de sable blanc ; des eaux qui mêlent l’indigo, le turquoise, l’émeraude ; des cocotiers qui ombragent les plages, des cascades, des forêts à explorer ; une population souriante, des maisons colorées, des hôtels et des jardins charmants.

Des jardins si beaux, d’ailleurs, que la plus méridionale des îles antillaises — Trinité et Tobago étant géologiquement reliées au continent sud-américain — a remporté en mai dernier sa 13e médaille d’or, en 19 ans de participation, au prestigieux RHS Chelsea Flower Show à Londres, sur le thème des jardins botaniques historiques.

Photo: Hélène ClémentLe cacao au moment de la cueillette du fruit

Mais n’allez pas croire que parce que la Grenade est située à 12 degrés au nord de l’équateur, avec un climat maritime tropical et un sol volcanique riche, ce soit enfantin de jardiner ici. En observant les jardiniers de l’hôtel Radisson au travail, où se tenait il y a un mois la conférence annuelle The State of the Tourism Industry Conference (SOTIC), organisée par la Caribbean Tourism Organization, on note que chaque pétale, feuille, tige est bichonné avec amour. On vénère la nature ici.

Même scénario dans l’ensemble des hôtels de l’île, dont plusieurs bordent la baie de Grande Anse, qui rivalisent de beauté par leurs jardins. Certains dédiés aux herbes et aux épices, d’autres à une longue tradition de culture de cacao et de muscade. Quant à la culture de la canne à sucre, raison de la colonisation de la Grenade, elle fut en gros remplacée à la fin du XVIIIe siècle par la noix de muscade introduite par le biologiste et conseiller du roi George III du Royaume-Uni, le botaniste sir Joseph Banks.

Photo: Grenada Tourism AuthorityL’oeuvre «Vicissitudes», à l’Underwater Sculpture Park, un hommage aux esclaves morts durant leur traversée de l’Atlantique, a été réalisée par le sculpteur britannique Jason deCaires Taylor. Elle comporte 26 statues de jeunes femmes et hommes se tenant par la main en cercle, faisant face aux fonds marins. La sculpture est immergée à quatre mètres de profondeur.

Les plantations de canne à sucre, quasi inexistantes sur l’île, ont permis par le passé de produire sucre et rhum. Quelques distilleries proposent aux touristes de visiter leurs installations. Comme celle de Clarke’s Court, la plus importante de l’île, en fonction depuis 1937. On y fabrique un rhum issu de mélasse importée de Guyane et du Panama.

L’odeur de muscade

Il suffit de se rendre à l’un des marchés de l’île, dont celui de Saint-Georges, pour comprendre pourquoi la Grenade est surnommée « l’île aux épices ». Pas un étal sans bâtonnets de cannelle, curcuma, gingembre, clous de girofle, macis et noix de muscade.

Photo: Hélène ClémentPas un étal de marché de la Grenade sans bâtonnets de cannelle, curcuma, gingembre, clous de girofle, macis et noix de muscade

« Ce fruit, qui orne le drapeau national, a fait la fortune de la Grenade jusqu’en 2004 », explique la personne chargée de la visite de l’usine de conditionnement Nutmeg Station, à Gouyave, village de pêcheurs qui a vu naître Kirani James, médaillé d’or du 400 mètres aux Jeux olympiques de 2012, à Londres, et médaillé d’argent aux Jeux de Rio.

En 2004, donc, le cyclone Ivan, dit « le terrible », dont on parle toujours sur l’île, a ravagé 90 % des muscadiers. Et si l’arbre, originaire des îles Banda, peut atteindre 60 ans d’âge, il lui faut sept à huit ans pour porter des fruits. Une des raisons qui expliquent que le cacaoyer, qui pousse plus vite, a partiellement remplacé le muscadier à la Grenade.

L’ensemble des épices

« Le territoire de la Grenade était le deuxième producteur mondial derrière l’Indonésie, et l’ensemble de ses épices faisait vivre 30 000 personnes, précise le guide. De 7000 muscadiers avant Ivan, nous en avons aujourd’hui entre 3000 et 4000. »

Photo: Hélène ClémentLa capitale de l’archipel accroche à flanc de colline ses rues escarpées et ses maisons coloniales.

Si l’odeur de muscade qui parfume les glaces, les confitures, les ragoûts, le punch… flotte à nouveau dans l’usine de traitement de Gouyave, il faudra encore du temps pour que l’île regagne ses galons de deuxième producteur de muscade.

En attendant, on travaille fort sur l’île. À l’usine Nutmeg Station, les femmes trient les noix, les hommes transportent les lourds sacs de 62,5 kilos destinés à l’exportation. « On a traité cette année 1,5 million de livres de noix de muscade. »

Plongeon dans l’art-éco

C’est à bord d’un bateau carriacou, sorte de sloop en bois racé d’origine écossaise, construit de manière artisanale dans le village de Windward, sur l’île de Carriacou, que nous mettons le cap sur la baie protégée de Molinère, où se trouve le parc de sculptures.

De la marina de Saint-Georges, il faut dix minutes pour s’y rendre. La capitale de l’archipel accroche à flanc de colline ses rues escarpées et ses maisons colorées.

On longe l’île tout en montagnes. Voilà le village de Fontenay, puis la baie de Grand Mal. Tous ces noms français rappellent que cet archipel a été, jusqu’en 1763, sous domination française.

Photo: Hélène ClémentLa jolie baie de Grande Anse, reconnue pour ses plages. On y court ou y marche agréablement sur une distance de trois kilomètres.

Les îles de Carriacou et de Petite Martinique forment avec celle de la Grenade l’État de la Grenade.

L’archipel se trouve à quelque 150 kilomètres au nord du Venezuela et de Trinidad-et-Tobago. On y parle l’anglais, on conduit à droite et on joue au cricket.

À moins de monter à bord d’un bateau à fond de verre pour vivre l’ambiance de cette galerie sous-marine hors du commun, il faut plonger.

Avec bonbonne, pour la contempler de plus près, sinon une simple plongée en apnée permet de l’apercevoir.

La soixantaine de sculptures grandeur nature reposent à une profondeur de cinq à dix mètres. Seul hic : les dénicher toutes. La présence d’un guide est appréciée.

Ici, Vicissitudes, une étonnante ronde de personnages composée de 26 sculptures de femmes et d’hommes qui se tiennent par la main. Cette sculpture rend hommage aux esclaves morts durant leur traversée de l’Atlantique. Là, Le correspondant perdu, un écrivain assis à une table face à une machine à écrire. Vraiment mystérieux, tout ça !

Photo: Hélène ClémentLe carriacou, un sloop en bois racé d’origine écossaise, construit de façon artisanale dans le village de Windward, sur l’île de Carriacou

Puis, des dizaines de bustes parfois décharnés et des personnages mystérieux tirés de l’histoire de l’archipel et du folklore local. Tous s’offrent aux coraux multicolores qui les recouvrent peu à peu et aux poissons qui s’y camouflent. Un spectacle stupéfiant !

Encore quelques coups de brasse, et voilà la célèbre princesse à la muscade, personnage tiré du conte Le mystère de l’île aux épices, de l’auteur grenadien Richardo Keens-Douglas. S’il n’y avait qu’un seul cadeau à rapporter, je choisirais ce livre pour enfants qui parle de la montagne, d’un volcan, d’un lac de cratère sans fond et d’une jolie princesse qui n’apparaît que si les noix de muscade sont prêtes à être cueillies.

« L’Underwater Sculpture Park est devenu l’une des raisons principales d’un voyage à la Grenade, précise Phil Saye. En 2012, la galerie sous-marine a été nommée “merveille du monde” par le National Geographic, belle reconnaissance pour une petite île. Chaque année, de nouvelles sculptures s’y ajoutent au grand bonheur des plongeurs. Avec quelque 50 sites de plongée et l’une des plus grandes collections d’épaves de la Caraïbe, dont la Bianca C, le Titanic des Caraïbes, la Grenade est très prisée. »

Une île qui sent la muscade du sommet de ses montagnes jusqu’au fond de la mer.
 

EN VRAC

S’y rendre. Air Canada Rouge exploite, au départ de Toronto, un vol par semaine à l’année, et deux fois par semaine de la mi-décembre à avril.

Dormir. L’hôtel https://www.radissonhotelsamericas.com/en-us/hotels/radisson-resort-grenada-beach, situé directement sur la superbe baie de Grande Anse, longue de trois kilomètres, est une bonne adresse. Les jardins sont magnifiques et bien entretenus. On y mange les produits locaux et les chambres sont spacieuses. Assurez-vous de choisir une chambre rénovée avec vue sur l’océan, ne serait-ce que pour admirer le coucher du soleil et s’endormir au son du clapotis de l’eau.

Voir et faire. Saint-Georges, avec son marché particulièrement coloré le samedi, son carénage où s’amarrent les bateaux de plaisance, le fort George construit au début du XVIIIe siècle par les Français et le Grenada National Museum qui présente l’histoire de la Grenade.

L’Underwater Sculpture Park. Au centre de l’île, le parc national de Grand Étang et son magnifique lac de cratère — peut-être y apercevrez-vous la princesse muscade du conte Le mystère de l’île aux épices —, au sein d’une forêt tropicale peuplée de colibris. Ses sentiers mènent à des chutes spectaculaires (Concord Falls, Amandale Falls) propices à la baignade.

L’usine de conditionnement Nutmeg Station, où une fois récoltée, la muscade est traitée.

Un tour guidé de la distillerie Clarke’s Court et de son musée qui raconte l’histoire de la canne à sucre, du sucre et du rhum à la Grenade. Un moment idéal pour goûter à toute une variété de rhums, blanc, brun, épicé…

Une visite de la Diamond Chocolate Factory, une entreprise tree-to-bar importante sur l’île. On y fabrique le chocolat biologique Jouvay. Le site est magnifique ! La bâtisse est une ancienne distillerie de rhum fondée par des moines français en 1774. Et la plantation est tout aussi belle et agréable pour une promenade.

Pour une journée ou quelques heures inoubliables à bord d’un voilier carriacou : sailingsavvy.com

Renseignements. grenadagrenadines.comonecaribbean.org

 

LA LEÇON D'«IVAN»

Chaque génération d’habitants des îles de la Caraïbe garde en tête au moins un ouragan exceptionnel. En Dominique, à Saint-Martin, Barbuda, Anguilla, Porto Rico, dans les îles Vierges, aux Bahamas, à Cuba… on se souviendra d’Irma. Ici, ce fut Ivan.

Depuis, les Grenadiens construisent des maisons plus solides et s’affairent au développement de leur économie bleue. Entre autres par le rétablissement des récifs coralliens mis à mal par le climat, la surpêche, la pollution et l’urbanisation des littoraux.

« En matière de biodiversité, ils sont le pendant sous-marin des forêts tropicales, explique un des conférenciers du SOTIC, Phil Saye, propriétaire du centre de plongée Dive Grenada. Ils offrent nourriture et abri à de nombreuses espèces de poissons et de crustacés, et une protection efficace des plages contre la houle durant les tempêtes. »

Au-delà des zones de protection marine, un projet de récif artificiel est en cours à Grande Anse. Mais, unique à l’île, reste la création en 2006 de la première galerie de sculptures sous-marines au monde, destinée à favoriser la repousse des coraux et à fournir un habitat à la faune marine. Une oeuvre créée par le sculpteur Jason DeCaires Taylor.

 

Post-scriptum: 
Photo: Hélène Clément Saint-Georges, la capitale de la Grenade, vue de la mer

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