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George Floyd à Minneapolis, Eyad Hallaq à Jérusalem

Gideon Levy
George Floyd à Minneapolis, Eyad Hallaq à Jérusalem

Quelques jours après Minneapolis, samedi soir, dans la Vieille Ville de Jérusalem, Eyad Hallaq, un autiste palestinien de 32 ans est exécuté par la Police des frontières israélienne

Vous avez vu les policiers américains ? Vous avez vu comment, à Minneapolis, ils ont étouffé George Floyd jusqu’à ce que mort s’ensuive ? Vous avez vu l’agent Derek Chavin lui écraser le genou sur le cou, le coincer au sol, pendant que Floyd le suppliait jusqu’au moment où il est mort, quelques instants plus tard ? Quel racisme parmi ces forces de police américaines, quelle brutalité ! Aujourd’hui, Minneapolis brûle après qu’un citoyen noir a été exécuté pour sa couleur de peau. Le maire s’est excusé, les quatre policiers impliqués ont été licenciés, Chauvin a été accusé. L’Amérique est un endroit cruel pour les noirs et sa police est raciste.

Quelques jours après Minneapolis, samedi soir, dans la Vieille Ville de Jérusalem, Eyad Hallaq, un autiste de 32 ans ; se rendait au centre Elwyn pour handicapés. Les agents de la Police des frontières ont prétendu avoir cru qu’il tenait une arme – il n’y en avait pas – et, quand ils lui avaient ordonné de s’arrêter, il s’était mis à courir. La sanction avait été la mort.

La Police des frontières, la plus brutale de toutes les unités, ne connaît pas d’autre façon de maîtriser un Palestinien autiste que de l’exécuter. Les lâches agents de la Police des frontières ont tiré une dizaine de balles sur Hallaq alors qu’il s’enfuyait, jusqu’à ce qu’il meure. C’est ainsi qu’ils opèrent toujours. C’est en ce sens qu’on les a formés.

Les Forces de défense israéliennes et la Police des frontières ont un faible pour les handicapés. Le moindre faux mouvement ou bruit pourrait les punir de mort.

En mars 2018, dans une autre Vieille Ville, celle de Hébron, des soldats ont tué Mohammad Jabari, 24 ans, un handicapé mental, muet de surcroît, que ses voisins avaient surnommé « Aha-Aha » parce que c’étaient les seules syllabes qu’il pouvait prononcer. Ils l’avaient guetté et abattu près d’une école pour filles, en prétendant qu’il jetait des pierres.

Le surnom d’un autre jeune homme, Mohammad Habali, était « Za’atar » (hysope, une plante officinale), personne ne sait pourquoi. Lui aussi était mentalement handicapé et il se promenait avec un bâton. Des soldats israéliens l’avaient abattu d’une balle dans la tête tirée à quelque 80 mètres. Cela s’était passé en décembre 2018, en face du restaurant Sabah, à Tulkarem, juste après 2 heures du matin, alors que l’homme s’éloignait des soldats et que la rue était tranquille.

Deux ans plus tôt, dans la ville de Sa’ir, l’armée avait tué Arif Jaradat, un handicapé mental de 23 ans. Sa famille l’appelait « Khub », ce qui signifie amour. Chaque fois qu’il voyait des soldats, il leur criait en arabe : « Pas mon frère Mohammed ! » Il voulait dire : « Ne premnez pas mon frère Mohammed. » Mohammed, le frère aîné d’Arif, avait été enlevé à son domicile et arrêté au moins cinq fois par les soldats en présence d’Arif. Le jour où Arif était mort, on l’avait entendu pousser son cri habituel à l’adresse des soldats. « Il est handicapé, ne lui tirez pas dessus », avait lancé quelqu’un aux militaires, mais ils ne l’avaient pas écouté. Ils avaient tué Khub également.

Aucun de ces infortunés handicapés mentaux ne mettait aucunement en danger les militaires de la Police des frontières. Hallaq l’autiste ne mettait personne en danger non plus. Les agents de la Police des frontières l’avaient tué parce que c’est leur façon de faire. Ils l’avaient fait parce que c’était un Palestinien et parce que tirer à balles réelles est la première option et celle que préfèrent les forces d’occupation.

La Police des frontières n’est pas moins brutale et raciste que la police des États-Unis. Là-bas, elle abat les noirs, dont le sang est bon marché et, ici, en Israël, elle abat les Palestiniens, dont le sang est tout aussi bon marché. Mais, ici, la mort d’un homme nous aide à dormir ; là-bas, elle déclenche des protestations. Le maire de Minneapolis, Jacob Frey, dont il s’avère qu’il est juif, a été très prompt à s’excuser face à la communauté noire de sa ville. « Être noir en Amérique ne devrait pas signifier une sentence de mort », a-t-il dit.

Et être palestinien non plus ne devrait pas signifier une sentence de mort, mais aucun maire juif israélien n’a jamais rien dit de tel. L’agent de police qui a étouffé Floyd à mort a été accusé d’homicide au troisième degré et ses collègues ont été virés. En Israël, le département du ministère de la Justice chargé d’examiner la méconduite des policiers enquête sur l’agent qui a abattu Hallaq. La conclusion, comme dans tous les autres affaires du même genre, est connue d’avance.

Pendant ce temps, en Amérique, la police est brutale et raciste.

Vous avez vu les policiers américains ? Vous avez vu comment, à Minneapolis, ils ont étouffé George Floyd jusqu’à ce que mort s’ensuive ? Vous avez vu l’agent Derek Chavin lui écraser le genou sur le cou, le coincer au sol, pendant que Floyd le suppliait jusqu’au moment où il est mort, quelques instants plus tard ? Quel racisme parmi ces forces de police américaines, quelle brutalité ! Aujourd’hui, Minneapolis brûle après qu’un citoyen noir a été exécuté pour sa couleur de peau. Le maire s’est excusé, les quatre policiers impliqués ont été licenciés, Chauvin a été accusé. L’Amérique est un endroit cruel pour les noirs et sa police est raciste.

Quelques jours après Minneapolis, samedi soir, dans la Vieille Ville de Jérusalem, Eyad Hallaq, un autiste de 32 ans ; se rendait au centre Elwyn pour handicapés. Les agents de la Police des frontières ont prétendu avoir cru qu’il tenait une arme – il n’y en avait pas – et, quand ils lui avaient ordonné de s’arrêter, il s’était mis à courir. La sanction avait été la mort. La Police des frontières, la plus brutale de toutes les unités, ne connaît pas d’autre façon de maîtriser un Palestinien autiste que de l’exécuter. Les lâches agents de la Police des frontières ont tiré une dizaine de balles sur Hallaq alors qu’il s’enfuyait, jusqu’à ce qu’il meure. C’est ainsi qu’ils opèrent toujours. C’est en ce sens qu’on les a formés.

Les Forces de défense israéliennes et la Police des frontières ont un faible pour les handicapés. Le moindre faux mouvement ou bruit pourrait les punir de mort. En mars 2018, dans une autre Vieille Ville, celle de Hébron, des soldats ont tué Mohammad Jabari, 24 ans, un handicapé mental, muet de surcroît, que ses voisins avaient surnommé « Aha-Aha » parce que c’étaient les seules syllabes qu’il pouvait prononcer. Ils l’avaient guetté et abattu près d’une école pour filles, en prétendant qu’il jetait des pierres.

Le surnom d’un autre jeune homme, Mohammad Habali, était « Za’atar » (hysope, une plante officinale), personne ne sait pourquoi. Lui aussi était mentalement handicapé et il se promenait avec un bâton. Des soldats israéliens l’avaient abattu d’une balle dans la tête tirée à quelque 80 mètres. Cela s’était passé en décembre 2018, en face du restaurant Sabah, à Tulkarem, juste après 2 heures du matin, alors que l’homme s’éloignait des soldats et que la rue était tranquille.

Deux ans plus tôt, dans la ville de Sa’ir, l’armée avait tué Arif Jaradat, un handicapé mental de 23 ans. Sa famille l’appelait « Khub », ce qui signifie amour. Chaque fois qu’il voyait des soldats, il leur criait en arabe : « Pas mon frère Mohammed ! » Il voulait dire : « Ne premnez pas mon frère Mohammed. » Mohammed, le frère aîné d’Arif, avait été enlevé à son domicile et arrêté au moins cinq fois par les soldats en présence d’Arif. Le jour où Arif était mort, on l’avait entendu pousser son cri habituel à l’adresse des soldats. « Il est handicapé, ne lui tirez pas dessus », avait lancé quelqu’un aux militaires, mais ils ne l’avaient pas écouté. Ils avaient tué Khub également.

Aucun de ces infortunés handicapés mentaux ne mettait aucunement en danger les militaires de la Police des frontières. Hallaq l’autiste ne mettait personne en danger non plus. Les agents de la Police des frontières l’avaient tué parce que c’est leur façon de faire. Ils l’avaient fait parce que c’était un Palestinien et parce que tirer à balles réelles est la première option et celle que préfèrent les forces d’occupation.

La Police des frontières n’est pas moins brutale et raciste que la police des États-Unis. Là-bas, elle abat les noirs, dont le sang est bon marché et, ici, en Israël, elle abat les Palestiniens, dont le sang est tout aussi bon marché. Mais, ici, la mort d’un homme nous aide à dormir ; là-bas, elle déclenche des protestations. Le maire de Minneapolis, Jacob Frey, dont il s’avère qu’il est juif, a été très prompt à s’excuser face à la communauté noire de sa ville. « Être noir en Amérique ne devrait pas signifier une sentence de mort », a-t-il dit.

Et être palestinien non plus ne devrait pas signifier une sentence de mort, mais aucun maire juif israélien n’a jamais rien dit de tel. L’agent de police qui a étouffé Floyd à mort a été accusé d’homicide au troisième degré et ses collègues ont été virés. En Israël, le département du ministère de la Justice chargé d’examiner la méconduite des policiers enquête sur l’agent qui a abattu Hallaq. La conclusion, comme dans tous les autres affaires du même genre, est connue d’avance.

Pendant ce temps, en Amérique, la police est brutale et raciste.


Publié le 30 mai 2020 sur Haaretz, ‘Being Black in America Shouldn’t Be a Death Sentence.’ What About Being Palestinian ? ( Être noir en Amérique ne devrait pas signifier une sentence de mort. Et quid du fait d’être palestinien ? )

Traduction : Jean-Marie Flémal

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