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GANESH, UN HOMME INDIEN DE CALCUTTA

ou l’épopée d’un grand père indo-créole narrée par sa petite belle-fille.
GANESH, UN HOMME INDIEN DE CALCUTTA


En écrivant ce roman, dont le titre pléonastique est la reprise {texto} d’une rare mention de « l’autre race » par le Chantre de la Négritude en son {Cahier}, l’intention de Madame Antoinette Gamess, était d’honorer la mémoire du grand-père de son époux.

C’est la mésaventure du jeune garcon de Calcutta (Kolkata), suivie de son incroyable destin, qu’elle entreprend de nous narrer sur fond d’histoire de la fin du XIXè au début du XXè siècles.

Le roman s’ouvre dans un fauteuil d’avion, sur un paradoxe patronymique courant chez les Antillais, plutôt surprenant chez ceux d’origine indienne. Les noms arabes sont en effet pris par nombre de descendants d’engagés comme substitut de noms indiens, ces derniers ayant disparu de l’espace créole. Car l’état-civil colonial imposait leur remplacement par des noms biblico-français, et il ne restait pas de référence qui puisse permettre de les réhabiliter dans les familles…

Une jeune fille nommée {Malika}, donc, par ses parents d’origine hindoue, ne reprend pas l’avion de Trinidad pour rentrer en Martinique car elle choisit de rester assister à une cérémonie de {samblani}.

Sri Ganesh ! Autre mythique patronyme de ce roman, pour au moins deux raisons : c’est le nom d’une des divinités les plus chéries des hindous. Appelé aussi, parmi ses centaines de noms-attributs, {Ganapati}, ou {Kanavédi} dans la langue rituelle des villageois qui l’ont emmené aux îles, Ganesha est ce divin drille qui a pour mission d’enlever les obstacles et, comme tel, qui est invoqué ou placé au début de toute entreprise.

Auspicieuse grâce, que n’ont pas manqué de solliciter Antoinette Gamess et son éditrice Jala ! Le nom de Ganesh et une représentation pyrogravée de sa forme sont en couverture du roman, sur un lumineux fond jaune qui n’est pas pour boisseler la lumière du dieu bienveillant !

Deuxième fait intéressant, l’ancêtre de Monsieur {Gamess}, le beau-grandpère d’Antoinette, s’appellait donc lui aussi à l’origine… {Ganesh}. Entourloupe iconoclaste de l’état-civil du temps de la plantation, qui a « corché » quantité de noms hindoustani ou tamoul?

Il faut noter que dans l’Inde même les prononciations varient, un phonème comme {tch} pouvant devenir {sh}, ou{ ss} quand on passe d’une region à l’autre. Phonétiquement {Shiva, Shiv, Siva, Siv, Siou} ou {Siw} désignent bien la même entité, et il ne faut donc pas s’étonner si l’ancêtre prononçait peut-être son nom avec une sifflante finale, {Ganèss}… Reste l’énigme du M, qui n’est, peut-être, s’il est erroné, qu’une fatale erreur de transcription…

Trêve de spéculo-interpolations! Revenons à la trame du livre. Au milieu d’une grouillante Calcutta, description dont les média nous ont déjà tant gavés, le jeune hindou Ganesh, futur grand-père de la chrétienne Malika, se noie à étouffer dans la foule épaisse, le jour final de {Ganesha Chaturthi}, fête qui s’achève par l’immersion de la statue du Dieu dont notre héros porte aussi le nom.

Il ne revient à l’air libre que pour se faire attirer, saoûler, et finalement enlever à bord d’un bateau coolier…

A Pondichéry aussi, on enlevait les enfants des quais pour en faire de futurs esclaves.

Sa famille ne reverra plus Ganesh, et, se doutant de son sort, le pleurera. Ce qu’il prend pour une visite de bateau, puis pour une promenade sur l’eau du Golfe du Bengale, s’avérera être une traversée forcée de la mer, aventure interdite par les Dieux.

A bord, le jeune garcon entend parler de contrats signés par des passagers pour aller là où on leur a promis que les feuilles d’or se ramassent à la pelle… Il y a les anglais, les femmes… Le rêve peut se transformer en cauchemar sur l’onde bleue, mais Ganesh choisit résolument, contre l’infortune que lui a valu sa distraction, de vivre.

Antoinette Gamess s’attache à nous décrire l’atmosphère et le vécu à bord, les surprises et déconvenues qui n’épargnent pas son personnage. Avec patience de couturière, elle associe le fruit de recherches sur une histoire non-enseignée aux témoignages transmis dans la famille et au besoin à son imaginaire, créatif jusqu’au detail.

Le bateau fera escale sur la Côte du Coromandel au Sud de la péninsule pour embarquer d’autres {coolies}, plus noirs, puis amorcera la traversée de l’Océan Indien jusqu’aux côtes d’Afrique. L’impatience de Ganesh, et de son frère, au caractère different, qu’il a curieusement retrouvé à bord… atteindra son terme à l’arrivée aux Caraïbes.

En fin de périple, c’est l’accueil en île, la rencontre avec le colon blanc et l’africain ex-esclave, le choc des cultures, le nouveau sort dans les plantations... Ganesh vivra avec les chevaux, rencontrera Ramkalia, aura des jumeaux, consacrera avec générosité, comme tant de ses congenères restés, son existence à son pays d’adoption…

La deuxième époque tranche avec la précédente, forcément, et se lit avec le même plaisir. C’est une riche série de tableaux de la vie dans l’espace plantationnaire, qui trouve son aboutissement dans la fin accidentelle, comme un jeu en Carnaval, du vieillard devenu {zendyen-kréyol}.

Si une certaine tendance tend à faire accroire que seuls des tamouls, et donc des gens foncés, sont venus aux îles, ou étaient une majorité – ce qui impliquerait la minorisation d’un groupe – un des non-moindres mérites de Madame Gamess est de montrer que la population de son île porte en elle et s’est enrichie de sons, de sens et de saveurs venus de différentes regions de la vaste Inde.

Certes, en Martinique, les Indiens du Sud furent majorité. En Guadeloupe, un recensement des langues parlées indiquait à la fin du XIXème siècle une balance quasi 50-50 entre langues parlées du Nord de l’Inde et Tamoul du Sud. A Sainte-Lucie et à Trinidad, les indiens venus du Nord, surtout des Etats qui à ce jour restent les plus pauvres de l’Inde, le Bihar et l’Uttar Pradesh, furent majoritaires.

En se brassant, ces entités ont donné naissance à la cuture indo-créole unique que nous apprenons à connaître et devons protéger. Tout ce monde-là s’est intégré depuis, puis assimilé, adoptant pour véhicule de sa culture la langue créole, et la préservant du même coup.

Sachons gré à Antoinesse Gamess d’avoir accompli un noble et exemplaire devoir de mémoire généalogique et racinaire.

D’avoir apporté, en serrant les coudes avec sa belle-famille, une contribution pédagogique, propre à éclairer toujours plus l’espace d’ignorance de ce pan vaillant de l’histoire antillaise.

Et d’avoir fait que la lumière dorée de Ganesh, symbole d’avancée et de connaissance, se lève un peu plus sur un monde en perte de vertus et de valeurs…

_ Jean S. SAHAÏ
_ Juillet 2007.

{{COMPLÉMENT :}}

_ • Site
[Ganesh au Bengale->http://ganapati.club.fr/bg/bg.html]

{{Jacques Weber, « La vie quotidienne à bord des coolie ships à destination des Antilles. Traite des Noirs
et coolie trade : la traversée »,}} in Les Indes antillaises. Présence et situation des communautés
indiennes en milieu caribéen, sous la coordination de Roger TOUMSON, L’Harmattan, Paris,
décembre 1994, pp. 35-54.

• {{Jacques Weber, « Voyage dans le temps : Pondichéry au XIXe siècle »,}} Présences de l’Inde dans le
monde. Études présentées par Gerry l’Etang, L’Harmattan, Paris, 4e trimestre 1994, pp. 51

• {{Bibliographie L'INDE ET LA CARAÏBE, }} [site LAMECA->http://svr1.cg971.fr/lameca/lamecainfo/bibliographies/bib_inde_caraibe.htm]

{{IMAGES :}}

Dans l'ordre d'apparition, cliquer pour les agrandir :

• Femmes du Coolie Sangha, organisation de paysans pauvres qui luttent contre l'exploitation moderne, [Source adats.com->http://www.adats.com/]

• L'autre photo de femmes est de la même source

• Le s/s Ganges, Source [merchantnavyofficers.com->http://www.merchantnavyofficers.com/]

• Travailleur indien, Source [historiae.org->http://historiae.org/]

_ • A propos des noms indiens, voir l'article
_ [La galaxie des noms malbar->http://www.montraykreyol.org/spip.php?article115]
_ par Jean-Régis Ramsamy-Nadarassin

{{REACTION de Madame Antoinette Gamess :}}

{ {{J'ai lu l'article avec beaucoup d'intérêt. Vous avez exprimé fort justement des points importants de mon texte "Ganesh". Vous avez aussi découvert que les arts dits manuels nourrissent la sève de ma vie : la couture, je crée ma propre mode, la reliure, la peinture sur soie, la gravure.

Ma maison est pleine de tableaux, en particulier des divinités hindoues, peints par les membres de ma famille.

Que nous continuions à valoriser nos différentes cultures.

Mes salutations, plis fos.

Antoinette Gamess.}} }

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