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Ernie LaPointe, arrière-petit-fils de Sitting Bull : "Il faut se débarrasser de la peur"

Par Sonia Desprez
Ernie LaPointe, arrière-petit-fils de Sitting Bull : "Il faut se débarrasser de la peur"

Le sang de Sitting Bull coule dans ses veines. Ernie LaPointe, l'arrière-petit-fils du grand chef indien de la tribu des Sioux Hunkpapas Lakota, a écrit la biographie de son célèbre aïeul. Portrait d'un sage qui a souffert.

C'est un peu insolite de le voir assis sur la banquette d'une brasserie parisienne, avec ses longues tresses brunes et sa peau sombre et grêlée, son regard malicieux, sa femme Sonja, une Allemande, à ses côtés. Ernie La Pointe est venu du Dakota du Sud en qualité d'arrière-petit-fils du grand chef lakota Sitting Bull, de son vrai nom Tatanka Iyotake. Dans un livre (1) au style poétique et direct, Ernie raconte la vie de cet ancêtre, remarquable par son courage, sa sagesse, sa bonté. Comment il se distingua tôt par ses qualités de chasseur, de guerrier, mais aussi par sa générosité envers les autres.

Comment il gagna naturellement son statut de chef et de saint-homme parmi les siens, et devint danseur du soleil, ce rituel fascinant où un homme danse sans relâche en regardant le soleil, la peau percée par des cailloux et des os pointus, jusqu'à atteindre un état de conscience modifié lui permettant de communiquer avec les esprits. Comment il écrasa le général Custer et ses troupes lors de la bataille de Little Bighorn, en 1876, devenant ainsi le symbole de la résistance des natifs américains aux envahisseurs blancs.

Une vie dense et accidentée

Le récit d'Ernie La Pointe est inestimable : grâce à lui, l'histoire de son ancêtre est racontée pour la première fois, non pas du point de vue des Blancs mais de celui des natifs américains. Pour que ce récit parvienne à nous, Ernie a dûs e relever d'une vie dense et accidentée. Claire Barré, qui a traduit son texte en français, est aussi son amie (elle l'a un jour contacté après avoir eu une vision de Sitting Bull, et découvert qu'elle était chamane - mais c'est une autre affaire) : "Les histoires qu'il raconte s'étaient jusqu'ici transmises par la tradition orale, souligne-t-elle. Il les considère comme sacrées et ne voulait pas les écrire, mais il a fini par en avoir le courage, en faisant des cérémonies pour demander la permission aux esprits."

Finalement, raconter est même devenu une raison d'être. Ernie La Pointe est né en 1948 dans la réserve indienne de Pine Ridge dans le Dakota du Sud, bien après la fin des guerres indiennes, marquée par le meurtre de son aïeul. Baigné dans la tradition orale lakota, mais fréquentant l'école publique, il perd sa mère à l'âge de 10 ans, puis son père à 17. Il s'enrôle dans l'armée et part faire la guerre en Corée, puis au Vietnam, "ce qui est fou !, commente Claire Barré. L'arrière-petit-fils de Sitting Bull, combattant pour les Américains contre des peuples autochtones." Il revient, porteur d'un syndrome de stress post-traumatique non diagnostiqué, et s'abîme dans l'alcool. "J'essayais d'oublier, explique-t-il, mais le Vietnam était toujours dans ma tête, j'avais peur de dormir car j'en rêvais la nuit. Une fois, je me suis retrouvé en prison dans le Colorado. Je ne croyais en rien, mais j'ai dit au créateur que je voulais arrêter de boire pour soigner mon traumatisme."

Les Améridiens "ont perdu l'espoir"

Une fois sorti de prison, et malgré son désir, il se trouve physiquement incapable de boire. "J'ai commencé à me tourner vers ma culture d'origine, dont je m'étais éloigné après la mort de ma mère." Ernie La Pointe renoue avec les cérémonies rituelles de ses ancêtres, qu'il pratique chaque jour. Comme Sitting Bull qui reçut des visions prémonitoires pendant ces cérémonies, il recueille des messages du monde des esprits, puis les partage avec le monde des humains, "sans néanmoins les imposer". De la terre, que les Lakotas ont toujours honorée, il annonce qu'elle va "se purifier, car ses enfants la salissent. Il faut se préparer spirituellement pour traverser ça, se débarrasser de la peur. Mais elle est justement à l'origine de ce que font les gens, elle est ce avec quoi les dirigeants les contrôlent".

Sitting Bull a inlassablement montré à son peuple, par l'exemple, comment surmonter sa peur : une scène du livre raconte comment il s'assit à portée des fusils de ses ennemis pour montrer aux siens qu'il était le plus brave et mater ainsi une révolte naissante. Pour Ernie, la tâche est lourde car les Amérindiens "ont perdu l'espoir à cause de la façon dont le peuple américain les traite. Beaucoup sont de bonnes personnes, mais se tournent vers l'alcool et la drogue."

Cet homme dont l'ADN, récemment analysé, prouve sa filiation, et aussi le fait qu'il est plus "purement" issu de sa terre que n'importe quel Américain, est parfois pris pour un fou. Il continue pourtant humblement à réhabiliter son aïeul en portant ses valeurs. Dignement.

(1) Sitting Bull : sa vie, son héritage, par Ernie La Pointe (Flammarion, 192 pages).

 

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