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ENTRETIEN AVEC TAHAR BEN JELLOUN

ENTRETIEN AVEC TAHAR BEN JELLOUN

{{ Tahar Ben Jelloun est l’un des écrivains marocains francophones majeurs de la deuxième moitié du XXe siècle et du début du XXIe. Détenteur du Prix Goncourt, la plus importante récompense littéraire française, il répond ici aux questions de Marc Gontard…}}

{{M. G. :}}

Il semble que la plupart des littératures francophones, depuis la fin des années 80, tendent à se détourner de la quête, souvent violente, d’un sujet collectif, pour celle d’un sujet individuel, bien plus énigmatique. Dans votre œuvre romanesque, ce basculement apparaîtrait avec L’Enfant de sable qui, sans oublier totalement la dimension sociale de l’écriture (et elle reviendra fortement dans L’Homme rompu), interroge métaphoriquement une forme d’étrangeté à soi, c’est-à-dire d’identité métisse. Est-ce que vous souscrivez à ce type d’analyse qui ferait succéder à la « guérilla linguistique » des années 70 dans sa modernité révolutionnaire, une prise de conscience (postmoderne ?) de l’identité composite du sujet bilingue ?

{{Tahar Ben Jelloun :}}

En littérature, il n'y a de sujet qu'individuel. C'est à travers l'individu que se raconte une société. C'est ce qui explique par ailleurs que le roman, dans sa forme occidentale, n'est apparu que tardivement dans les sociétés arabes, lesquelles ne reconnaissent pas l'individu en tant qu'entité unique et singulière. Je pense que tous mes romans visent à faire prendre conscience de cette nécessité essentielle : l'émergence de l'individu. C'est la base d'une réelle démocratie et du progrès d'une société moderne. Au Maroc, le Makhzen, cette structure abstraite, non écrite et malgré tout puissante puisqu'elle gère les relations de pouvoir à presque tous les niveaux et dans presque tous les domaines, n'a aucun intérêt à ce que l'individu émerge et exige sa part des droits. L'Enfant de sable est un roman sur l'identité (culturelle, sociale, sexuelle). C'est l'histoire d'un détournement, d'une prise de pouvoir illégitime, d'une usurpation. C'est une défense métaphorique de la singularité, donc de l'individu qui réclame ses droits et veut vivre sa vie selon ses désirs et non selon le vouloir des autres fut-il son géniteur.
Il me semble que "la guérilla linguistique" est dépassée. Celui qui l'a le mieux menée c'est Mohamed Khair-Eddine. Aujourd'hui, le romancier est celui qui "fouille" les dessous de la société. Il doit aller au-delà du témoignage, au-delà de l'anecdote autobiographique.
Il n'existe pas "d'identité pure" par opposition à une autre qui serait "métisse". Nous sommes traversés de plusieurs cultures et nos racines ne sont pas immobiles. Evidemment, les langues jouent et s'affrontent en nous, parce qu'elles sont vivantes, c'est-à-dire en mouvement, dans une violence positive.

{{M.G. :}}

Si le sujet bilingue accède plus facilement que le monolingue à la conscience de l’hétérogénéité du moi, peut-on dire qu’il est l’image, sinon le porte-parole, d’un monde en devenir où les cultures ataviques sont en voie de créolisation ?

{{Tahar Ben Jelloun :}}

Pas la peine d'être bilingue pour accéder à ce que vous appelez "l'hétérogénéité du moi". C'est une question de conscience et de présence au monde. Je ne crois pas à la créolisation de la culture. Le fait de parler deux ou trois langues n'implique pas un avenir de créolisation. Pour ce qui est du Maroc, la langue arabe n'a pas un statut second -pour ne pas dire mineur- comme le créole dans les îles. Que le français se mélange avec l'arabe dialectal, il ne donne pas naissance à une troisième langue, une langue médiane. Malgré la médiocrité de l'enseignement arabisé, l'arabe semble prendre le dessus sur le français. La culture marocaine résiste sans faire de bruit. Elle reste cependant ouverte aux apports étrangers. Cette résistance n'est pas névrotique, elle est naturelle et assez souple puisqu'elle laisse la porte ouverte aux langues étrangères.

{{M.G. :}}

L’écrivain maghrébin de langue française, sans être arabisant, vit néanmoins avec (au moins) trois langues : l’arabe coranique, l’arabe dialectal et le français. Comment ces trois langues travaillent-elles dans votre imaginaire et dans votre écriture ? Avez-vous le sentiment que votre idiome littéraire est une « bilangue » comme le revendique Khatibi ou un « interlecte » selon l’expression de Patrick Chamoiseau ?

{{Tahar Ben Jelloun :}}

Je dois avouer que les trois langues, l'arabe classique, le dialectal et le français coexistent avec bonheur chez moi. Je ne cesse de perfectionner mon arabe classique. Je me sens plus à l'aise aujourd'hui que dans les années 70 où l'écrivain francophone était agressé du simple fait qu'il n'écrivait pas en arabe. A l'époque, le problème était politique et idéologique. La plupart des écrivains de ma génération ont prouvé par leurs écrits qu'ils n'étaient ni des "traîtres", ni des renégats. Ce qui compte c'est le travail qu'ils ont fait ces trois dernières décennies. C'est Mohamed Khair-Eddine qui a le mieux illustré cette exigence : écrire, travailler, donner le meilleur de soi en disant le pays et la société. Qu'importe le lieu où on écrit et qu'importe la langue aussi. L'important était de briser le silence et de ne pas se taire face à ceux qui nous faisaient des procès d'intention, des gens qui voulaient censurer nos souffles et nos aspirations. Je pense que quelqu'un comme Abdellatif laabi a su résister et répondre à cette tentative de nous faire taire définitivement. Il faut lui rendre hommage et dire combien l'existence de la revue "Souffles" a été essentielle pour la poignée de poètes qui étaient autour de lui.

Les trois langues me travaillent en permanence et souvent à mon insu. Je ne sais plus qui prend le dessus. Quand j'écris je suis incapable de repérer laquelle des trois est en train de pousser les deux autres pour s'imposer dans mon imaginaire. Il m'arrive de chercher un mot en français, et c'est le mot arabe qui s'impose, alors je l'écris en attendant que le français jaillisse. J'écris à la main, avec un stylo, sur des cahiers. J'y tiens beaucoup. Mes manuscrits sont parfois traversés d'expressions arabes, souvent intraduisibles. Evidemment, je suis et je reste un écrivain d'expression française. Mais ce français n'est pas d'une origine très controlée. Notre rôle n'est pas d'écrire comme des Français de souche qui ne connaissent que le français. Notre écriture est forcément épicée, traverse ces trois langues et se donne facilement aux couleurs et aux fantaisies venues d'ailleurs.

Certains lecteurs marocains me disent qu'en me lisant ils entendent la langue arabe, surtout dialectale. Je ne les contredis pas. La langue casse les mots, déchire leur enveloppe et cherche de nouveaux parfums. Ce n'est même pas la volonté de l'auteur. C'est sans doute là l'originalité des écrivains qui écrivent dans une autre langue que celle de leur mère. Comment la définir ? Ce n'est ni une "bilangue" ni un "interlecte". C'est du français qui voyage et qui se laisse séduire par d'autres rivages, d'autres rêves et d'autres exigences. C'est un imaginaire qui joue, chante, se trompe et rectifie les apparences.
Notre imaginaire donne l'hospitalité à une langue qu'il traite avec générosité et plaisir et humour. Aucune avarice chez Khair-Eddine ou Kateb Yacine. Au contraire, c'est l'explosion, dans le bon sens, de la langue et de ses vieilles habitudes. C'est surtout par la poésie que cette rencontre se réalise et débouche sur des œuvres importantes. Je cite José Saramago qui écrit dans L'Année de la mort de Ricardo Reis :
« La langue choisit probablement les écrivains qui lui sont nécessaires, elle les utilise pour exprimer une parcelle de la réalité. J'aimerais voir ce que sera la vie quand la langue, après avoir tout dit, se taira. »
Dans notre cas, maghrébins ayant suivi une éducation bilingue, nous avons certainement aidé la langue française à nous choisir.

{{M.G. :}}

Au Maroc, une lecture déformée de votre œuvre fait de vous un écrivain « exotique » qui cherche à répondre aux fantasmes orientalistes du lectorat français ou européen. Que pouvez-vous répondre à ce type de reproche ? Comment gérer la demande de réalité collective du public marocain et la dimension imaginaire du sujet individuel ?

{{Tahar Ben Jelloun :}}

Il me plait que le mot "exotique" vienne de chez Rabelais. Il s'applique à ce qui n'appartient pas à la civilisation de la personne qui parle. C'est ce que nous apprend Alain Rey (Le Robert). Alors voyons ce que cela veut dire sous la plume de ceux qui m'en font le reproche : pour eux, exotique est une insulte, "tu n'es pas ce chez nous" sous-entendu "tu n'es pas de chez toi". "Tu parles d'un Maroc qui n'existe pas, ou mieux tu inventes un Maroc tel que les étrangers souhaitent le voir, etc."
Une chose est sûre : le Maroc que j'écris n'est pas celui de ceux qui me font ce reproche, comme s'il existait un pays déposé et breveté dans une administration étatique dont ils seraient les gardiens. C'est aberrant et stupide. Je retrouve là le même procès que faisaient les tenants du monolinguisme (arabe) aux écrivains francophones. Ce sont des censeurs minés par l'incapacité de créer et d'écrire. Au lieu de se poser des questions sur leur impuissance et leurs échecs, ils cherchent à éliminer de la scène ceux qui ont réussi à dépasser ce stade. De quel droit s'érigent-ils en censeurs, en donneurs de leçons ? J'avoue que cela est pour moi assez secondaire et sans grand intérêt. Si je devais tenir compte de ce genre de critique, j'arrêterais d'écrire. Or c'est précisément ce qu'ils cherchent à obtenir : réduire tout le monde à leur impuissance, ne plus se sentir isolé parce qu'ils n'arrivent plus à écrire ni à trouver un public. Cela est typique du sous-développement et de la misère intellectuelle. Ma réponse est dans le travail, la poursuite quotidienne de l'écriture et le maintien de l'interrogation permanente. Jamais satisfait, jamais fini, toujours en cours de révision et de doute. Voilà. J'aimerai aussi rappeler ce mot de Roland Barthes citant les trois vertus qui constituent et caractérisent le créateur : "la vigilance, la sagesse et la plus paradoxale de toutes, la fragilité". Si je pense être sage et fragile, j'ai hélas souvent manqué de vigilance, et mes ennemis en ont lâchement profité. Il est facile d'abuser la confiance d'un écrivain qui a fait de la sincérité son arme. Il est facile de le piéger et de salir sa réputation.

La sincérité c'est mon engagement, ma transparence, ma naïveté. Un écrivain qui travaille avec des débris du réel, avec des images et des mots se doit d'être sincère, c'est-à-dire cohérent avec lui-même. Il est plus facile d'assumer un engagement politique dans un parti ou un syndicat. C'est même reposant et pourrait brouiller les pistes et parfois déboucher sur un "politiquement correct" qui frise la démagogie. Le seul engagement que je revendique est celui que je me fais tous les jours pour être en accord avec les valeurs que je défends, pour mettre en adéquation mes dires (mes écrits) et mes actes. Etre sincère c'est accepter d'être nu, c'est-à-dire seul. Comment concilier cette exigence et la pudeur ? un écrivain peut ne pas être pudique, ou alors, comme dirait Borges, "pudique comme un crime".

Ce qui m'a le plus choqué dernièrement après un long séjour au Maroc (pas en vacances), c'est le manque d'exigence et le manque de sincérité de certains. Il y a un relâchement dans les comportements et un manque flagrant de rigueur. Le tout compensé par le discours religieux, discours qui est censé les sauver de la misère intellectuelle qui sévit dans le pays. Donc être sincère, ce n'est ni facile ni reposant. Et pourtant, tous mes écrits depuis 30 ans ont suivi cette règle d'or : inventer, créer, imaginer, troubler et perturber tout en étant sincère avec mes propres engagements. C'est cette sincérité que mes ennemis ont utilisée pour me nuire dans l'affaire du roman sur la résistance à la barbarie au bagne de Tazmamart : Une aveuglante absence de lumière (Seuil 2001). Pour eux, ce fut une aubaine. On fait ainsi de mauvaises rencontres et on ne se méfie pas. Un jour, je rendrai public le journal de cette polémique et on verra que j'ai toujours respecté mes engagements et que j'ai toujours été sincère. Cette affaire a été pour moi une blessure. J'ai été sali et calomnié. J'aurais fait partie d'une institution ou d'un parti politique, mes ennemis auraient hésité avant de tenter de me démolir. Nous revenons à la notion d'engagement. En littérature, seule l'exigence et la rigueur sont un engagement important. La littérature ne supporte pas les alibis extra littéraires.

{{M.G. :}}

Dans certains de vos romans, l’horizon mystique qui semble postuler une unité dans l’expérience d’un absolu extra-mondain, n’est-il pas en contradiction avec ces figures de la diversité que sont des personnages-clés comme Harrouda, Ahmed-Zahra, Zina ?
L’hétérogénéité de l’être est-il pour vous une source de déchirement que seule la croyance a le pouvoir de réparer ou l’expression d’une discontinuité essentielle qui rejette le divin dans la sphère de l’étrangeté radicale, sinon dans celle de l’imaginaire ?

{{Tahar Ben Jelloun :}}

Ma relation personnelle avec le religieux passe par la mystique. Il se trouve que la tradition soufie en islam est une des plus belles et des plus fortes réalités. J'essaie de tirer l'islam vers cette spiritualité faite de philosophie et de poésie. La question religieuse relève plus de la sociologie que de la littérature. Ce qui m'intéresse c'est encore le devenir de l'individu. Or dans la poésie soufie, c'est l'exigence intérieure la plus essentielle qui s'exprime. Le poète n'est pas la collectivité. Le poète c'est la présence d'une personne dans le monde et qui a le droit de poser un regard singulier sur ce monde, ce qui implique doute, réflexion et humilité. Le soufi s'en remet à Dieu dans la mesure où il avance dans le chemin de Dieu tout en étant seul.

Certains de mes personnages sont attirés par l'expérience mystique, surtout dans un monde d'hypocrisie sociale, de folklore décadent, de mensonge et de corruption. Le recours à la mystique est un recours à la liberté individuelle, la liberté intérieure de celui qui est à la recherche de la vérité, sa vérité. Ce sont des êtres complexes, en opposition à l'injustice et à la médiocrité admise, ils sont en résistance et pensent que leur solitude est leur salut. C'est leur force : se savoir seul et assumer cet état avec sérénité et même avec bonheur. Le divin n'est pas rejeté dans la sphère de l'étrangeté. Il est remis à sa juste place, celle d'une spiritualité qui dépasse l'entendement des personnages. Ils n'en font pas commerce. Ils essaient de faire valoir leur droit à l'existence à travers l'imaginaire. Un personnage comme Moha a réussi à exister dans la réalité et dans l'imaginaire de la société marocaine. Il est sorti du cadre romanesque pour vivre dans un réel que je ne contrôle pas.

C'est justement parce que les personnages que vous citez -Harrouda, Zahra et Zina- sont complexes, (visages multiples ; destins divers ; images plurielles ; morale non orthodoxe ; comportements inattendus, etc.) qu'ils se dirigent en fin de parcours vers une spiritualité qui pourrait les sauver ou du moins les préserver de la médiocrité générale. En ce sens, ils ne sont pas réalistes, ils ne sont pas définis selon des critères psychologiques repérables. Ils ne rassurent pas et renvoient le lecteur à ses propres incertitudes. La discontinuité est seulement apparente, car rien n'est définitivement clair. Sans faire l'éloge de l'obscur, je pense que les personnages romanesques sont encore plus insaisissables que leurs modèles dans la vie. En même temps ils rappellent que "l'intelligence est l'incompréhension du monde", ils sont "passionnés, simples et éternels dans l'obscurité équivoque et dérisoire du monde" (Faulkner : Moustiques ).

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M.G. :}}

Comment assumez-vous la distorsion entre votre lieu d’écriture -Paris- et la culture marocaine qui constitue le territoire majeur de votre œuvre ?

{{Tahar Ben Jelloun :}}

La distorsion entre Paris, Le Maroc et l'Italie n'est qu'apparente.
Le Maroc, je le porte en moi, il m'habite plus que je ne l'habite. Il me poursuit et je sais que je l'écris à tâtons, sans être sûr de rien. Paris est un lieu choisi. Il me donne l'hospitalité mais n'apparaît pas dans mes livres. L'Italie c'est un peu le Maroc moins l'angoisse et l'inquiétude. Pas toute l'Italie. Je suis plus attiré et intéressé par le Sud que par le Nord. La Sicile me rappelle beaucoup le nord du Maroc. En fait c'est la Méditerranée qui prime et s'imprime dans mes écrits. J'ai voulu une échappée, une sortie des chemins bien tracés. L'intérêt pour l'Italie a commencé par l'enquête qu'un journal de Naples m'avait commandée : aller sur le terrain des faits divers mafieux et les réécrire, non en journaliste mais en écrivain. L'idée m'a passionné. J'ai trouvé que c'est un bel hommage rendu à la littérature : revenir sur le réel et le réinventer. J'ai passé plus de quatre mois à circuler dans toute la Sicile et j'ai écrit des nouvelles, des contes tous nourris par des faits réellement survenus. Cela a donné L'Ange aveugle. A partir de là mon intérêt pour l'Italie n'a pas cessé de se développer. Plus tard, quand j'ai séjourné à Naples pour écrire L'Auberge des pauvres, j'ai découvert un autre aspect de ce pays : la piraterie. Un éditeur napolitain s'est emparé de l'édition française de ce roman, l'a fait traduire et publié sans signer de contrat. Un procès a été entrepris et on attend le verdict de la justice. Donc les liens avec l'Italie sont assez forts, complexes et en même temps problématiques. Cela étant, je crois que j'ai dit ce que j'avais à dire sur ce pays. Le Maroc me manque, je veux dire dans l'écriture. On me demande souvent pourquoi je n'écris pas d'histoire ayant pour personnage des Français et pour cadre la France. J'avoue que la France est tellement écrite qu'elle n'a pas besoin de nous, écrivains venus d'ailleurs, pour la dire. Le Maroc a davantage besoin d'entrer dans la littérature. Il y a tellement d'histoires à raconter, à imaginer, à chercher… Enfin cette multiplicité de "patries" littéraires est un signe de liberté. Il faut sortir de son quartier, même si on a une imagination fabuleuse comme Neguib Mahfouz qui n'a presque jamais quitté le Caire et plus particulièrement sa rue.

{{Tahar Ben Jelloun}}

Paris 7 janvier 2002.

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