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DIEU EST NEGRE

DIEU EST NEGRE

Dieu est Nègre
ou
La Vierge Noire protectrice de la Martinique

Notre vision intérieure exercée, notre créolité mise comme centre de créativité, nous permet de réexaminer notre existence, d´y voir les mécanismes de l´aliénation, d´en percevoir surtout les beautés. L´écrivain est un renifleur d´existence. Plus que tout autre, il a pour vocation d´identifier ce qui, dans notre quotidien, détermine le comportement et structure l´imaginaire. Éloge de la créolité - in praise of creolness - Jean Barnabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant. (Édition bilingue Gallimard)

L´enfant de Dieu

Damida assistait à la messe dominicale afin d´éviter la distinction et en bonne petite créole coquette de la classe élégance et courtoisie, pour avoir droit sous un bon prétexte à une nouvelle tenue chaque dimanche consacré à Dieu. Assister au saint sacrifice ce jour sacré vêtue d´une nouvelle toilette était impérieux dans le monde chrétien dans les années 60. Elle empochait sans scrupule les dix sous de la quête avec lesquelles elle s'offrait des bonbons rassis, des restes de gâteaux émiettés de la semaine précédente que vendait une pâtissière de la cour Nozières, alors qu´elle appartenait aux "Âmes vaillantes ".

Elle n'allait pas aux excursions trop coûteuses pour le budget de sa manman. Il lui suffisait de se vêtir du corsage bien blanchi à l'eau de javel et passé au bleu, complété par la jupe plissée bleue marine en tergal assortie au béret posé sur le côté de la tête. Bien mise dans son uniforme qui lui seyait à merveille et lui facilitait le flirt avec les boy-scouts, elle se faisait dièze ( se pavanait) dans la rue à l'affût de louanges. " Oh ? Tu es âme vaillante ? C'est très bien. Quelle brave jeune fille tu es ! " s'exclamait-on cependant qu'un halo de gloire s´esquissait au-dessus de son béret.

Ces témoignages d´affection lui étaient une dictame. Les célébrations religieuses lui offraient les trop rares laïus de félicitations souvent d'inconnus : " Que tu es belle dans ta robe ! Maintenant que tu es communiée, nous sommes contents de toi. Tiens ! Nous t'offrons la médaille de la Sainte Vierge. Tu es bénie Damida ! Tu es vraiment une enfant de Dieu ! " Une enfant de Dieu ? Le seuls moments où son entourage divulguait son père imaginaire.

Lorsque son beau-père Adrien avait usé de sa force sur sa petite personne, elle se réfugiait en secret près d'un Père Noël recouvert d´un manteau blanc comme neige, auréolé de lumière, imaginé au-dessus de la ravine qui coulait près du morne Sainte-Marie à la Belle-Terre. Installé sur un trône allégorique, l'Illuminé l'attendait les yeux brillants de tendresse. Pleine d'une déférence, elle se prosternait à ses pieds. Il lui caressait doucement le dessus du crâne cependant qu'elle lui faisait une oraison jaculatoire : " Je ne sais pas qui tu es mais j´ai besoin de toi. Qui es-tu ? " " Je suis tel que tu me crées. Je suis ton souffle, ton vrai Père. " répondait une voix qui n'était pas une voix. " Mon père, pourquoi est-ce que mon beau-père me bat ? Est-ce que parce que je ne veux pas l'aimer comme un vrai papa ? Et qu'est-ce que l'amour ? Aide moi ! Tous ces coups me font si mal. Pourquoi moi ?

"Son Père blanc la soulevait, la serrait contre sa poitrine et lui soufflait : " Parce que tu as choisi de naître dans une famille qui a un profond besoin d'amour. Tous ceux qui retournent sur Terre doivent apprendre à combler ce besoin s´ils veulent me réaliser dans leur vie. Tu es vie Damida. À travers ta famille et ton pays tu apprendras à aimer et à vivre. Je t'aiderai. Je suis en vous tous, même en ton beau-père. Il est aussi mon fils, je l'aime autant que toi.”

“ Mais il est méchant. C´est un bourreau. ” insistait Damida. “ Si tu te crois meilleure que lui, aimes le malgré tout. À travers moi, tous les êtres humains sont unis. L'Amour n'est pas le contraire de la haine. N'essaie pas de comprendre. Tiens bon ! "

Que son beau-pète soit aussi un enfant de Dieu et le coup du choix de sa famille la voilaient d'une perplexité. "On ne choisit pas sa famille. On choisit ses amis", lui avait dit une fois Man Dédé, la marchande de doucelettes (carreaux de sucre à la menthe ou au coco), et son " Père " lui disait le contraire. Non ! Encore une fois, elle ne pigeait rien, toutefois, elle revenait de sa planète divine et fictive souriante, oubliant tous ses maux... jusqu'à sa prochaine visite.

Ces fêtes catholiques étaient aussi d'excellentes occasions où elle se gavait de gâteaux à étages aux œufs montés, de chaudeau et de mousseux Paul Bréhant dans lequel elle continuait à tremper ses fameux biscuits Boudoir indispensables aux cérémonies initiatiques de la communion, confirmation et renonce... à Satan et ses œuvres, que lui fit passer Père Vallé. Le plus beau nègre qu'elle avait vu de sa vie. Un bel bougre tout bonnement ! Cette beauté masculine la chamboulait et répondit pour un temps à sa question posthume posée aux deux frères Kennedy : DIEU EST-IL NÈGRE ? Oui, il l'était absolument en cet Adonis noir comme sa soutane, la peau lisse, le nez pincé au-dessus d'une bouche pulpeuse bien dessinée, les traits d'une finesse, de grands yeux marrons clair illuminés du savoir divin et une touche de classe qui attirait des bouquets de femmes égarées à la confession. L'Apollon moreau portait princier et solennel. La foi de la fillette en un Dieu Nègre s´amorçait.

Et voilà l´histoire.

Dieu est Nègre

Classée dans la race des négresses rimées dans ses propres récitations avec caresse, bougresse, allégresse, tendresse... tresse, ignorant le mot racisme, cette hostilité systématique contre un groupe social, une nouvelle question chauffait à blanc la tête de Damida. Elle s'interrogeait sans grand succès sur l'origine d'une devinette de ses camarades de jeux, dont pourtant un grand pourcentage portait son teint de sapotille, le fruit qu'il ne fallait pas manger lorsqu'on avait chaud : " Qu'est-ce qu'un nègre ? "

- Un nègre est un blanc plongé dans un baril de goudron pour faire peur aux enfants blancs", débitait sans hésiter l'une d'elle.

Cette devinette faisait fureur, bien avant que John Fitzgerald « Jack » Kennedy le plus jeune et premier président catholique des États Unis, afin d'instaurer la démocratie qui repose soi-disant sur le pouvoir au peuple, avait rallié de son côté le précieux dirigeant noir qui avait un rêve : le pasteur Martin Luther King. Dans ces temps-là, un nègre votant était impensable. Selon le premier parleur de créole à la radio M. Julien Chemin qui cette fois s'était articulé en français sans coup de roche, paraît-il que pour John Kennedy, s'allier au grand homme noir qui prêchait la paix malgré tout et voulait emmener les siens à voter, en vue d'augmenter le quota indispensable à sa prise du pouvoir, était une initiative risquée, mais un choix qui mènerait à la victoire... incontestable. Wè ! Il avait appuyé sur incontestable.

– C'est ainsi que Robert Francis Kennedy dit Bob, le frère du président américain, bien auréolé de mystère, afin de convaincre tous les collaborateurs démocrates que les voix des noirs valaient son pesant d'or multiplié à tire-larigot rassembla tous les conseillers blancs de son frère autour d'une table ovale et leur proposa sur un ton solennel à suspens : " Essayez un instant d'imaginer votre confusion si, dans le royaume des cieux, vous découvriez que Dieu est un nègre. " Puis M. Chemin s´était tut après avoir demandé une minute de silence mais un “ Bic, Bic, Bic youpi ! ” s´échappa du filtre de la radio.

Pas que Damida savait grand-chose des États-Unis, sa manman appartenait tout simplement à ceux qui avaient le luxe de posséder une radio, mais visionner Dieu noir la pétrifia. Dieu... l'Éternel que sa grand-mère adventiste du septième jour prêchait Tout Puissant... noir comme du cirage. Ayayay ! Quelles affaires et ça ! Était-ce un blasphème ? Encore une fois, elle calculait.

M. Salomon Himmelstein le vieux monsieur tombé du ciel sur l'île avec une valise pleine d'or après la guerre et qui avait vieilli avant son heure dans une autre aventure, avait assuré que Jésus le fils de Dieu et toute sa génération étaient issus de la Maison de David, le berger qui avait gagné une guerre avec un banza (lance-pierres). Quoique Damida elle-même était de couleur cannelle, son Père intangible, bon et protecteur près de la ravine, était blanc comme du coton.

Et voilà que Bob Kennedy, un blanc, imaginait que le papa de Jésus était noir. Il était peut-être mélangé. À Guadakéra on savait toujours qui était sa mère mais pas souvent qui était son père mais selon son catéchisme, il n'y avait jamais eu un pape noir, a fortiori un Dieu noir. Elle avait lu une expression populaire qui décrivait la couleur noire comme celle du péché. Dieu noir ? DIEU NÈGRE ? Et si Dieu est nègre, quelle était la couleur du diable ? Ils peuvent pas être de la même couleur quand même ! Voilà débat en barbe à caca (expression créole) !

Il n'y eut pas du tout de débat à Guadakéra sur cette fraternelle proposition de la noirceur de Dieu. Même pas deux-mots-quatre- paroles. Dieu nègre ? Qui rime avec intègre ? Pas un Guadakérien ne sembla relever la suggestion de Robert Francis Kennedy dit Bob.

Écouter est une action de l'intelligence du cœur. La petite fille avait parfois l'impression que la finesse de son ouïe percevait ce que son entourage n'entendait pas et ce, même si on le leur hélerait dans leur trou d´oreille.

Tout argument a sa riposte, donc comme d´habitude, un locuteur français fût dépêché spécialement de Paris la capitale de Guadakéra, à Radio-Gwadaké afin d'anéantir cette influence de Dieu nègre. Il avait balayé la proposition divine par "Fadaise et baliverne ! Guadakériens, Guadakériennes ! Ne soutenez pas cet hérésie. C'est du cynisme pur. Ces yankees, ces cow-boys, ces conquérants par la violence du territoire indien disent n'importe quoi pour se gonfler les poches de dollars. Dieu nègre ? Et puis quoi encore ? N'importe quoi ! Il n'y a qu'en Amérique qu'on entend des idioties pareilles. Ah ! Ces Amerloques ! Aucun respect. Tous, nous savons que Dieu n'a pas de couleur. Nous vous prions citoyens et citoyennes de Guadakéra d'oublier ces billevesées ! Dieu n´est pas du tout nègre."

-Y´a bon Banania ! s´écria la voix d´un blanc qui imitait quelqu´un.

Jo-tanbou le tanbouyé (joueur de tambour) rigolait à gorge déployée :
– Kra, kra, kra ! Dépi ki tan fwansé pa enmé amériken ? Dépi ki tan ? Pa ni lontan an 1945, yo té ka chanté "Viv amériken !" Engra. Lanmérik tou pwé-la la menm. Nou sé moun toupatou. (Depuis quand est-ce que les Français n'aiment pas les Américains ? Depuis quand ? Il n'y a pas si longtemps en 1945 qu'ils chantaient "Vive les Américains !" Ingrats ! Et nous devons nous les Créoles Guadakériens, nous rappeler que nous sommes de partout. L'Amérique est tout près d'ici.)

Damida fit donc semblant de classer l'incitation de Robert Kennedy et alla jusqu'à omettre la nouvelle précédente, soit l'histoire des Américains noirs interdits de s'asseoir sur les banquettes de devant des cars. Anecdote racontée par M. Chemin en bon français s'il vous plaît. Rosa Louise Mc Cauley Parks, une dame rouge de race noire trop fatiguée ce jour-là de travailler pour les blancs et qui commençait peut-être à croire que Dieu est noir, refusa catégoriquement d'aller jusqu'à la banquette de derrière et se fît tarabuster par les méchants blancs dans le car.

Et voilà l'histoire.

– Aux États-Unis, l'avant de l'autobus était le domaine des blancs. Les noirs n'avaient même pas le droit d'être debout devant. C'est pour vous dire. Ainsi l'arrière appartenait aux noirs comme les derniers bancs sont réservés aux cancres : les derniers de la classe... sociale. Il y avait aussi une aile au milieu où les blancs et les noirs pouvaient s'asseoir, mais un noir devait se lever dès qu'un blanc faisait les gros yeux et faire le tour pour aller s´asseoir derrière le bus. Le 1er décembre 1955 à Montgomery, une ville en Alabama, Rosa, une couturière, reposait ses reins meurtris par le travail des blancs, dans la partie centrale lorsqu'un blanc est arrivé fap ! " Donne la place ! Allez ouste ! C'est ma place. Debout ! " Eh bien Rosa a pris toute sa force et son courage pour dire tout fort en anglais : " An péké ba-w ! An ja sizé, an ké rété sizé. " traduire par " Ta place est au cimetière. " Voilà chiclé en barbe (expression créole) !

Le blanc bien sûr a fait une qualité de wélélé mais... c'était ne pas connaître ces descendants d'esclaves car en réponse, sur l´ordre du pasteur Martin Luher King tous les noirs du pays des frères Kennedy braillèrent encore plus fort et protestèrent à l'unisson en faisant une grande marche nationale. Et puisqu'il paraît que leur pays était mille fois et même dix mille fois plus grand que toutes les îles Caraïbes, ce n'était pas évident de marcher des kilomètres et des kilomètres pour aller travailler pour ces mêmes blancs qui ne les toléraient pas devant-devant. Les blancs ont bombardé la maison du pasteur, mais il a dit tant pis. Ils marchèrent pour aller à l'église, à l'hôpital, faire des commissions, ...

Du coup, les cars ne servaient plus à rien. Grâce à leur véhicule immatriculé numéro onze (11), leurs deux pieds, les Américains noirs n'ont pas laissé les blancs leurs casser les pieds et leurs écales. Non ! Ils tinrent bon jusqu'à ce que tous les noirs soient autorisés à poser leurs fesses et péter où bon leur semblait quoique... Bon ! An nou arété la ! (Arrêtons-nous là !) conclua Julien Chemin tandis qu´une voix de femme blanche chantait :

-Savon Palmolive à l´huile d´olive !

À Guadakéra, les blancs avaient en général voiture avec chauffeur privé s'il vous plaît. Se coincer étroitement contre les gens du pays sur les bancs de l´autocar, dont le toit était souvent chargé de marchandises comme une bourrique, n´était pas leur ambition. De toutes les façons, la banquette de devant des transports en commun était toujours réservée à la femme ou la maîtresse du chauffeur. Et mieux, les automobiles étaient aussi rares qu´un nègre aux yeux bleus.

Quand un Guadeloupéen avait une auto, il en faisait une chanson : "An ni on loto nèf, an ka fè palé di mwen" (J'ai une auto neuve, tout le monde parle de moi). (Une rengaine des années mille neuf-cent-soixante). La marche quant à elle, n'était pas un sport pour le gratin, mais définitivement une nécessité pour tous. C'est pour dire que Guadakéra n'avait pas du tout ce problème.

Pour en revenir à Dieu Nègre, ce qui était sûr est que, sous peine d'être maudits par les prêtres et excommuniés ou expatriés par le préfet, les Guadakériens même s'ils avaient entendu la suggestion, n'allaient surtout pas réveiller la question de la noirceur de Dieu. Il était déjà de notoriété publique incontestable que le diable était noir habillé de rouge. Le même diable qui demandait une petite marmaille à manger. Wè ! Il était noir. Les organisateurs du Carnaval aurait mis leur Vaval au feu pour vous l'assurer, mais Dieu nègre ? Apa oswa la (pas ce soir) : un autre refrain qui remplaçait le mal de tête des dames qui ne voulaient pas faire malélevé (l'amour) avec leur mari.

L'avantage de cette exhortation est que personne ne se rappelait de la devinette du blanc plongé dans un baril de goudron. Quelque temps plus tard, quelle ne fût la stupeur et tremblement de la petite fille quand le poste radio annonça... pas aux avis d'obsèques, mais aux nouvelles internationales qu'on entendait dans un enregistrement parasité, l'assassinat d'un frère Kennedy... puis des deux. Ce n´était pas de la blague ! Il y avait manifestement eu des mécontents à s'imaginer Dieu noir gros sirop. Damida effaça sa vision. Pendant longtemps dans son chagrin pour la famille Kennedy, elle ne pouvait s´empêcher de se demander si le président John Kennedy et son frère avaient rencontré Dieu au ciel... et ÉTAIT-CE UN NÈGRE ?

Dieu est Créole

Le père Vallé répondait à sa question et farcis d'un imperturbable aplomb, les deux exilés de la cour Lérizé, l´ Haïtien Jean-Daniel Alexis et le Guadeloupéen Démosthène Démissien assuraient-pas-peut-être que oui. En chœur, ils attestaient que Le Tout-Puissant est un Grand Nègre. Woy ! Voilà débat ! Manman !

– J´ai toujours pensé que si Dieu existe et a une couleur, qu´il est certainement noir, Haïtien, créole et exilé, disait l'homme de Gonaïves en clignant de l'œil à son complice. Et même bleu.

– Tu sais que j´étais athée mais savoir que Dieu est noir me convertit et me divertit. Il nous a justement créé de différentes couleurs pour s'égayer la vue, appuyait son compère en se glissant les lunettes sur le bout du nez, le sourire espiègle.

– Selon le grand livre de Loa, la Bible, nous sommes tous faits à l'image de Dieu alors pourquoi ne serait-il pas nègre ? Si on doit s´identifier à Dieu, autant s´identifier à Dieu Noir. Qu´il soit nègre pour nous est la logique même, reprenait M. Alexis.

– Entièrement d'accord mon cher.”

Mademoiselle Véna, " la porte-à-porteuse " de bonnes paroles des "Missionnaires Bibliques " qui passait par là ne manqua pas de les sommer à plate couture. Outrée qu'elle était qu'on colore son Dieu qui ne parlait que français car jamais disait-elle, on avait prononcé un mot créole dans son temple. Elle qui avait consacré toute sa vie à essayer de convertir son île à appartenir à sa communauté, la seule qui serait sauvée de l'enfer auquel le monde était voué par toutes ces fausses croyances et cette décadence, et voilà que sa nation créole se pervertissait en noircissant l'Éternel.

– Parce que vous êtes deux vieux-nègres marrons et des feignants qui n'avez rien à perdre, vous vous prenez maintenant non seulement pour des spécialistes de la Nègrerie, mais aussi pour Dieu. Quelles affaires et ça ? Il ne manquerait plus que cela que Dieu est un vieux-nègre qui parle créole. Vous êtes des matamores, des gaulois, des couillons de première catégorie messieurs ! ÒÒ ! Au nom de Dieu réveillez vous !

La manman du bon Dieu est noire charbon

– Et moi, à l'heure qu'il est, j'ajoute que la Mère de Dieu est bien NOIRE. Tellement qu´elle est noire, elle est bleue (expression créole). Notre Dame de Bonne Délivrance est noire mesdames et messieurs ! À tous ceux qui veulent voir pour croire, allez à la Martinique à l´église de la Résurrection à Schoelcher ! Vous verrez la protectrice de la Martinique. Allez mon voisin, allez, allez ! Allez voir de vos deux cocos d´yeux ! Allez voir la Vierge noire de Czestochowa à Jasna Góra en Pologne. Il y a plus de 450 à 500 Vierges Noires recensées en France . Toutes, elles inspirent des pèlerinages importants. "Toutes les Vierges Noires étaient à l´origine adorées dans le secret d´une grotte...

Guadakéra décidément n'était pas du tout une île comme les autres. À partir du moment où notre homme de Gonaïves lui avait entre autres précisé dans un discours sur la religion, que la mère de Dieu s'appelait aussi Erzulie, Déesse noire, Esprit féminin de l'amour dans le rituel Vodou, Clément-chabon que vous connaîtrez, était en transe, il s'enflammait et affirmait que la femme noire est une divinité, avec laquelle tous devaient physiquement et spirituellement s'identifier. Damida priait que Mademoiselle Véna ne passe pas ce jour là.

“ La nègre “, tel était le nom de la Vierge Noire de Montpellier que l´on vénérait également sous le nom de Notre Dame des Tables. ... La “ Négrette “ vient de la chapelle du château de Calmont. ... En 1861 la Négrette devient la Vierge miraculeuse et en 1895, elle était couronnée triomphalement. Le culte de la Vierge Noire d´ Espalion était ainsi définitivement lancé et authentifié.” “ symboles initiatiques... Ils se rattachent à la tradition des Vierges noires, que le clergé officiel ne tolérait qu'avec réticence. Chacun savait qu'elles contenaient une force magique, celle d'Isis, la divinité " noire et rose ". Les initiées quant à elles, voyaient la Vierge Noire comme le symbole de la Sagesse dans son principe caché. "

C'est écrit. Je n'invente rien, prêchait Clément-chabon que vous connaîtrez dans son chapitre. Devant le nouveau magasin appelé Prisunic, il brandissait deux livres : un livre d´un rose tendre tirant légèrement sur l'orangé intitulé “ Vierges Noires ” et l´autre à la peau jaune écrit en noir : " une loge révèle : L'initiation féminine ". Clément pointait à tous une photo de la Vierge Marie avec Jésus sur son bras, tous les deux noirs charbon comme lui-même. Aïe ! Quelle histoire ! Manman manman manman ! MANMAN !

Bibliographie:

– Éloge de la créolité - in praise of creolness - Jean Barnabé, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant. (Édition bilingue Gallimard)

– Martin Luther King. “I have a dream “

– Jacques Bonvin. “ Vierges Noires. La réponse vient de la terre. ” Editions Deviez

– " une loge révèle : L'initiation féminine "

– Roland Jaccard “ Dictionnaire du parfait cynisme.“ Editions Livre de poche

– La Bible.

– Cindy Adams and Susan Crimp. “Iron Rose” A biography of Rose Fitzgerald Kennedy Editions Dove

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Commentaires

chlacrosse | 04/11/2008 - 16:31 :
Ce récit confirme que nous sommes tous des dieux. Cela fait du bien. Merci Maxette Olsson, que tu sois noire ou blanche, tu es géniale.
maxette_beaug | 03/02/2009 - 00:39 :
Je viens de lire DIEU EST NEGRE! Je suis restée sans voix, j'adore vraiment ce que tu as fait, tu es vraiment quelqu'un d'exceptionnel, si tu es d'accord, je veux bien le diffuser sur myspace, facebook et Hi5, des networks où j'ai un profil et que les gens lisent mes post, si tu es d'accord bien entendu car ce serait bien de partager cette bombe. Marjorie Infirmière Haïtienne

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