Accueil
Aimé CESAIRE
Frantz FANON
Paulette NARDAL
René MENIL
Edouard GLISSANT
Suzanne CESAIRE
Jean BERNABE
Guy CABORT MASSON
Vincent PLACOLY
Derek WALCOTT
Price MARS
Jacques ROUMAIN
Guy TIROLIEN
Jacques-Stephen ALEXIS
Sonny RUPAIRE
Georges GRATIANT
Marie VIEUX-CHAUVET
Léon-Gontran DAMAS
Firmin ANTENOR
Edouard Jacques MAUNICK
Saint-John PERSE
Maximilien LAROCHE
Aude-Emmanuelle HOAREAU
Georges MAUVOIS
Marcel MANVILLE
Daniel HONORE
Alain ANSELIN
Jacques COURSIL

DÉFENDRE LES ÉTRANGERS ?

Pour le Réseau Education Sans Frontières en Guyane, Marc Grossouvre, Porte Parole
DÉFENDRE LES ÉTRANGERS ?

{« Traite les autres comme tu voudrais être traité »}

Le Ministre de l'Immigration, Eric Besson, vient de désigner les 6 associations ayant le droit d'entrer dans les centres de rétention administrative pour y assister juridiquement les étrangers. Dans les DOM, et donc en Guyane, ce sera le Collectif Respect. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Alors que la politique durcie du gouvernement et les lois toujours plus compliquées nécessitent des gens indépendants qui connaissent le terrain et les textes, le gouvernement nomme une association sans expérience, absente des DOM et dépendante du pouvoir. Le Réseau Education Sans Frontières en Guyane dénonce cette situation qui risque de priver de leurs droits des personnes qui vivent depuis longtemps en Guyane, des personnes qui y ont des enfants et des personnes y ont travaillé ou grandi.

Les étrangers, avec ou sans carte de séjour, sur le territoire français ont des droits. Le plus connu étant le droit d'asile. Ces droits sont énoncés pour l'essentiel, au niveau européen, dans la Convention Européenne des Droits de l'Homme. En France, en plus des lois Pasqua et Perben, il existe depuis 2004, créé à l'initiative du Ministre de l'Intérieur de l'époque -M de Villepin- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). De plus, le code de la nationalité (qui est une partie du code civil) définit aussi le droit des étrangers à devenir français. Ces textes constituent un arsenal juridique complexe et difficile d'accès pour les étrangers.

En pratique, un étranger majeur qui vit en France doit être détenteur d'une carte de séjour. Pour cela, il doit déposer un dossier à la Préfecture. Ce dossier peut contenir d'une dizaine à une centaine de documents. A cause de la difficulté à constituer ce dossier, beaucoup d'étrangers ont le droit de vivre en France mais n'ont pas les moyens juridiques de faire valoir ce droit.

Lorsqu'un étranger majeur sans carte de séjour -un « sans-papier »- est arrêté par la Police de l'Air et des Frontières (PAF), il est placé au Centre de Rétention Administrative (CRA) de Rochambeau et menacé d'être expulsé hors du territoire français. Or, la PAF, n'a pas dans ses attributions à aider ces étrangers à faire valoir leurs droits. L'Etat est obligé d'autoriser ces étrangers à se défendre et c'est la CIMADE qui assurait jusqu'à aujourd'hui cette fonction, seule association autorisée à pénétrer dans les Centres de Rétention français.

En Guyane, la politique de reconduites à la frontière est industrielle : 8 000 à 9 000 expulsions par an pour le seul Centre de Rochambeau (à comparer aux 28 000 expulsions en métropole) soit environ une expulsion toutes les heures, pour un coût moyen estimé de 23 000€ par expulsion en moyenne nationale (chiffre du Sénat). Ces chiffres ne correspondent pas à des entrées sur le territoire :

· On pense à toutes ces personnes arrêtées qui vivent depuis longtemps en Guyane, voire même y sont nées.

· On pense aux Saramacca surinamais qui ont construit la base aérospatiale de Kourou, malgré les services rendus, le gouvernement français ne les a pas régularisés systématiquement.

· On pense aussi aux Haïtiens qui travaillent dans le bâtiment ou dans les jardins depuis parfois plus de 10 ans, dont les enfants sont nés ici et pourtant, qui n'ont toujours pas de titres de séjour.

· On pense à des Brésiliens de St Georges qui sont nés en France de parents nés en France et qui sont Français mais que personne ne conseille correctement.

Ces gens et tous les autres dans des situation similaires, en allant faire leurs courses, risquent un jour de se faire contrôler et de se retrouver en rétention. Pour que ces gens puissent faire valoir leurs droits, il faut des gens compétents pour les aider, des gens ayant une bonne connaissance du terrain.

La CIMADE a été créée en 1939 pour aider les personnes mises en danger par le fascisme, elle a été un acteur de la Résistance à l'occupation pendant la guerre et contribue depuis lors à assurer la défense de « ceux qui souffrent, qui sont opprimés et exploités », en particulier les migrants et les demandeurs d'asile. Son expertise est largement reconnue. En plus de ce soutien aux étrangers, la CIMADE témoigne et dénonce les abus de l'autorité publique. Et ces abus existent : la Commission Nationale de Déontologie et de Sécurité (CNDS) a récemment épinglé le CRA de Rochambeau sur des réponses pré-rédigées aux interrogatoires, une procédure « viciée », une absence de notification des droits et même des soupçons de violences. La CNDS a aussi qualifié le CRA de Mayotte d'« indigne de la République ».

La CIMADE est présente en Guyane depuis plusieurs années, elle travaille avec des juristes et un réseau de bénévoles. Elle est parfaitement intégrée dans le tissu associatif local qu'elle connaît et qui lui fait confiance. Le Réseau Education Sans Frontières par exemple, qui aide bénévolement les jeunes majeurs étrangers a l'habitude de travailler en collaboration avec la CIMADE. Cette question de notoriété n'est pas innocente. Une personne arrêtée dont le conjoint est sans papier hésite à le dire à la PAF. Pourtant , cela peut peut-être lui ouvrir des droits (enfants nés en France par exemple). Une personne arrêtée, est en état de stress important et ne fait pas confiance à des gens dont l'indépendance n'est pas garantie.

La presse rapporte que le gouvernement a « brisé le monopole de la CIMADE » dans les CRA. Cette présentation des faits est un contre-sens : le gouvernement était obligé de laisser la CIMADE entrer dans les CRA et il aurait pu décider de laisser d'autres organisations y entrer en plus. Mais il a décidé d'interdire à la CIMADE l'accès à certains CRA et de la remplacer par d'autres groupes. Ce qui était un droit devient un privilège, voire un commerce (des financements importants en découlent) accordé suite à un appel d'offres. Cette mise en concurrence faisant planer une menace implicite de couper les vivres, réduit nécessairement l'indépendance et le courage à dénoncer les abus éventuels. Pour mieux comprendre, comparons la situation à celle du Comité International de la Croix Rouge (CICR) qui a le droit universel d'accéder aux prisonniers de guerre. Imaginons que l'on autorise les Etat-Unis à choisir l'association qui pourrait accéder à la base de Guantanamo. Ils n'auraient sûrement pas autorisé le CICR mais auraient choisi une association proche de leur gouvernement pour éviter les vagues. Et personne n'aurait rien su des abus perpétrés à Guantanamo.

En Guyane, nous nous trouvons dans cette situation. Le CRA n'est heureusement pas Guantanamo mais les personnes autorisées à y entrer ne seront plus indépendantes :

· Le Collectif Respect, créé en 2003 en réaction au match de foot France-Algérie au cours duquel la Marseillaise avait été sifflée, veut, selon ses statuts « promouvoir le respect dû à l’autorité légitime, et en particulier aux institutions et au président de la République ». L'aide aux étrangers a été ajoutée en urgence aux statuts lors de la parution de l'appel d'offre sur les CRA. Le Collectif respect n'a donc, à la base, rien à voir avec l'aide juridique aux étrangers. Il est d'ailleurs inconnu des acteurs importants dans le domaine : le Groupement d'Information et de Soutien des Immigrés (GISTI), la Ligue des Droits de l'Homme etc. Comprendre le CESEDA ne s'improvise pas, beaucoup de gens travaillent en permanence à en comprendre toutes les subtilités.

· Le Collectif Respect n'est jamais intervenu dans les DOM, il ne connaît pas les exceptions législatives qui s'y appliquent, il ne connaît pas les situations sociales particulières. Comment pourra-t-il conseiller judicieusement un jeune majeur né à Grand-Santi, qui ne connaît pas son père et dont la mère est surinamaise. Il faut un peu d'expérience pour savoir où chercher les documents pertinents pour l'aider à clarifier sa situation.

· L'ancien président du Collectif Respect, Frédéric Bard, militant UMP, est depuis 2 ans chargé de mission sur la question du développement solidaire au Ministère de l'Immigration (sic). Enfin, pour enfoncer le clou, la présidente actuelle revendique (presque naïvement) des liens avec la droite.

Ce collectif ne présente donc pas les conditions de compétences requises et est visiblement dépendant à la fois du parti au pouvoir et du gouvernement. En ce qui concerne le Réseau Education Sans Frontières de Guyane, nous ne trouvons pas là les garanties nécessaires à un travail serein avec le Collectif Respect.

En conclusion, la décision d'attribuer la défense des étrangers dans les Centres de Rétention outre-mer au Collectif Respect est une insulte aux départements d'outre-mer venant confirmer le mépris total du gouvernement à l'égard de leur situation sociale. Le Collectif Respect, dans la droite ligne de son idéologie de départ, ne pourra qu'accompagner la politique industrielle de reconduites à la frontière dont les objectifs ont été confirmés par le nouveau Préfet de la Guyane dès sa première intervention publique sur RFO.

Les étrangers qui sont au CRA de Rochambeau ne sont pas des délinquants, ils n'ont commis aucun crime, ils participent souvent au développement de la Guyane, ils y paient même des impôts. Lors de leur arrestation, les autorités publiques doivent étudier leur dossier une dernière fois. Nous ne pouvons pas les priver de ce droit. Nous ne voulons pas, comme c'est arrivé récemment, qu'un père de famille soit expulsé, séparé de ses enfants et que sa femme à la santé fragile ait le coeur qui lâche quelques jours plus tard. Nous ne voulons pas qu'une jeune étrangère qui réussit un bac pro ne puisse pas trouver de travail et finisse par se faire arrêter parce qu'elle ne connaît pas ses droits. Nous voulons continuer à travailler de façon indépendante et coordonnée pour l'équilibre de notre société de Guyane.

{{Pour le Réseau Education Sans Frontières en Guyane}}

{{Marc Grossouvre, Porte Parole}}

contact : [resf.guyane@yahoo.fr->resf.guyane@yahoo.fr]

0694 26 03 01

Connexion utilisateur

CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain afin d'éviter les soumissions automatisées spam.

Pages