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« Dans la tête de VLADIMIR POUTINE » de Michel ELTCHANINOFF

Marie-Noëlle RECOQUE DESFONTAINES
« Dans la tête de VLADIMIR POUTINE » de Michel ELTCHANINOFF

Vladimir Poutine est le président de la Fédération de Russie. Il faut lire l’ouvrage très bien documenté de Michel Eltchaninoff pour être mieux à même d’interpréter les informations trop souvent superficielles voire opaques données par les médias au quotidien. C’est en se plongeant dans la lecture (relativement ardue) de cet essai que le profane découvre la complexité non seulement de la personnalité de Vladimir Poutine mais aussi des courants de pensée irriguant l’histoire de la Russie contemporaine.

 

L’auteur nous décrit un Vladimir Poutine soucieux d’inscrire son parcours et le destin de son pays dans une continuité historique et philosophique (impériale et soviétique) fondamentalement russe. Ses conseillers viennent d’horizons divers, ils sont issus de l’armée, des services secrets, de la police mais pas seulement. On compte aussi parmi eux notamment son ami le cinéaste Nikita Mikhalkov et un ecclésiastique Tikhone Chevkounov qui serait son directeur de conscience. Michel Eltchaninoff répertorie les divers penseurs, qui permettent à V. Poutine d’élaborer une idéologie en gestation. Ils sont très nombreux de Constantin Leontiev pour la valorisation des racines chrétiennes, à Nicolas Danilevski, penseur quasi officiel qui a montré que « l’occident n’est pas universel », en passant par Konstantin Pobedonostsev, idéologue sous le tsar Alexandre III.

 

 L’auteur rend compte des discours de Poutine avec leur florilège de citations ; il note aussi leur évolution dans le temps. La doctrine construite par Poutine est sujette à des réajustements mais elle repose sur trois piliers intangibles.

D’abord un héritage soviétique inévitable car si Poutine n'a jamais adhéré totalement aux idées communistes, il n'en a pas moins été membre convaincu du KGB.  Et pour lui « la plus grande catastrophe géopolitique du siècle » a été la désintégration de l’URSS. L’annexion (en 2014) de la Crimée semble être le premier signe d’une volonté agissante de réparer une erreur puisqu’elle est « magnifiée en Russie comme un acte fondateur ».

Ensuite Poutine adhère à l’idée d’une Voie russe spécifique capable de rendre au pays son prestige perdu et le rôle majeur qu’il jouait autrefois dans le monde.

Enfin Poutine n’entend pas voir l’Union européenne ou une quelconque superpuissance lui imposer des directives.  Il rêverait de leur opposer un puissant bloc forgé autour de la Russie à partir de son territoire asiatique et qui serait une Union eurasiatique. Il espère réussir à propager à l’ouest, au-delà des frontières de cette entité, les idées qui sont les siennes. Des idées conservatrices pouvant trouver un écho dans les pays ciblés : homophobie, défense de la famille traditionnelle, nationalisme, usage politique de la religion pour encadrer ou recadrer les populations. V. Poutine rêverait de rallier le plus grand nombre à cette nouvelle idéologie, comme l’avait fait l’idéologie soviétique, qu’il ne récuse pas dans sa capacité à fédérer une grande partie de la planète autour d’une pensée née du génie russe.

Encore faudrait-il, que les Russes eux-mêmes s’en imprègnent.

 

En janvier 2014, Poutine fait parvenir aux cadres de son parti ainsi qu’aux hauts fonctionnaires trois livres, qu’ils sont invités à lire et à méditer. Il s’agit d’ouvrages écrits par des penseurs du XIXe et du début du XXe siècle, dont paradoxalement les réflexions semblent, aux yeux de Poutine, tout-à-fait répondre aux préoccupations de la Russie en ce début de XXIe siècle.

D’abord La justification du bien de Vladimir Soloviev (1853-1900), un penseur chrétien orthodoxe interdit sous le régime soviétique, dont les théories tendent vers « une renaissance conservatrice ». Ensuite La philosophie de l’inégalité de Nicolas Berdiaev (1874-1948), que Poutine semble considérer à tort comme un chantre du conservatisme. Et pour finir Nos missions d’Ivan Ilyine (1883-1954), un auteur anticommuniste, qui en appelait à une refonte de la Russie sur la base d’une spiritualité chrétienne restaurée, d’une violence légitimée au nom du bien et de la revendication d’une ancestrale culture de guerre.

 

Vladimir Poutine affirme récuser la nécessité d’une idéologie officielle de l’Etat russe mais il déplore le vide laissé en la matière par l’effondrement de l’URSS. Selon l’auteur V. Poutine va tout faire pour faire émerger une idéologie de remplacement qui comporterait tous les points qu’il juge positifs dans le système soviétique, c’est-à-dire tout - sauf l’idée communiste. 

 

Michel Eltchaninoff laisse à comprendre en filigrane qu’il n’adhère pas aux idées et aux agissements de Poutine. On ne peut pas le lui reprocher car en effet son ouvrage est un essai, il y approfondit de façon personnelle une problématique. Mais par ailleurs la rigueur intellectuelle dont il fait preuve, permet au lecteur d’être éclairé sur les différents courants de pensée à l’œuvre en Russie sous le règne de Vladimir Poutine, ainsi que sur les références historiques, littéraires et philosophique de ce dernier. Michel Eltchaninoff a réalisé un travail d’investigation en s’appuyant sur les travaux d’historiens de la philosophie et les entretiens qu’il a menés avec des personnes bien renseignées. L’ouvrage de cet auteur agrégé et docteur en philosophie a obtenu le Prix de la Revue des Deux Mondes en 2015.

 

  Marie-Noëlle RECOQUE DESFONTAINES

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