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Crédit martiniquais, l'état banque pour les bekes.Au moins 300 millions de fonds publics pour la banque privée

Crédit martiniquais, l'état banque pour les bekes.Au moins 300 millions de fonds publics pour la banque privée

Le monde bancaire est renversant. Hier, le ministre de l'Economie,

Jean Arthuis, a annoncé le plan de sauvetage d'une banque privée, le Crédit martiniquais. L'air du temps était pourtant à dénoncer la mauvaise gestion des banques publiques, à privatiser au plus vite. Mais les DOM-TOM ne font pas partie de la métropole. Les dirigeants du Martiniquais ont été débarqués, et un responsable des Caisses d'épargne, Alain Dennhardt, nommé administrateur provisoire. Arthuis, qui tient à demeurer ministre jusqu'au bout, a annoncé que tout le monde sera mis à contribution: l'Etat, les banques, les actionnaires du Martiniquais.

Cette banque locale risque une perte de 1,5 milliard de francs (pour un bilan de 3 milliards). Toutes proportions gardées, c'est comme si le Crédit Lyonnais avait perdu 1 000 milliards de francs (au dernier pointage, son trou n'est que de 150 milliards). Certains contestent le calcul de la douloureuse ­ «Je ne comprends plus rien», assure un financier qui connaît bien le Martiniquais. Mais la Commission bancaire, le gendarme du secteur, sévèrement épinglée pour n'avoir pas su prévenir la déroute du Lyonnais, a voulu cette fois se montrer irréprochable. Depuis l'été, un commando de la Commission bancaire s'est installé à Fort-de-France. En décembre, il évalue les pertes à 900 millions, annonce que le Martiniquais est insolvable depuis un an (faits publiés par Libération le 5 février et le 21 avril).

Aider les amis. Depuis le début de l'année, c'est le branle-bas de combat. Le Trésor, Matignon et l'Elysée s'en mêlent. Pourquoi tant d'agitation au sommet? Le Crédit martiniquais draine 14% de l'épargne locale et accorde 20% des crédits, et sa faillite serait un coup dur pour l'économie des DOM-TOM. Mais il y a mieux: la banque est détenue à 75% par les békés, une vingtaine de familles blanches qui verrouillent l'île (ils possèdent 80% des terres agricoles et la quasi-totalité des grandes entreprises). Parmi eux, Marcel Fabre, roi de la banane et intime de Bernard Pons, ou Bernard Hayot, empereur de la distribution et proche des balladuriens.

Pour le RPR, les DOM-TOM ont toujours été une terre d'élection et une source de financement. Le gouvernement Juppé devait donc faire quelque chose pour ses amis békés. Sauf que ces derniers ont un peu poussé, en se payant sur la bête plus que de raison. C'est une spécificité du Martiniquais: il récolte l'épargne des artisans et commerçants pour ensuite prêter aux grosses fortunes de l'île, par ailleurs actionnaires de la banque. Et comme ils sont actionnaires, la banque sait se montrer clémente envers eux.

«C'est choquant, souligne un banquier métropolitain qui en a pourtant vu d'autres, ils se prêtent à eux-mêmes tout en contribuant aux pertes.» Bienvenue en Martinique: les petits financent les gros qui ne remboursent pas. A eux seuls, les békés ont généré un tiers des pertes de la banque. Bref, le gouvernement, tout RPR soit-il, se devait de les tancer tout en venant à leur secours.

Les békés traînent les pieds.

Les békés paieront, donc. Outre qu'ils sont éjectés de la direction de la banque, qu'ils perdront leur quote-part des fonds propres (180 millions), ils devront en plus remettre au pot. Mais ils n'envisagent que de verser 60 millions de francs ­ pas à la hauteur des enjeux financiers. «Ils se disent insolvables, souligne un haut fonctionnaire, mais une partie de leur fortune n'est plus sur le territoire national.»

Pour les ramener à la raison, Jean Arthuis brandit la menace pénale. L'administrateur provisoire «engagera les poursuites nécessaires s'il devait apparaître que la loi n'a pas été respectée». Pierre Michaux, le président du Martiniquais, a déjà été mis en examen, l'an dernier, pour complicité de banqueroute dans l'affaire Jet Sea (escroquerie à la loi Pons).

Mais les békés sont tout de même des amis. Le gouvernement a donc demandé aux grandes banques de venir à leur secours. L'AFB (qui regroupe les banques commerciales comme la BNP, le CCF ou la Société générale) aurait pu râler d'être à nouveau mise à contribution: depuis quatre ans, elle a déjà dû indemniser les clients lésés de Pallas-Stern, de la BCP et de la BCCI ­ toutes faillies. Mais les pouvoirs publics ont été d'une subtilité remarquable en tendant également leur sébile aux banques mutualistes (Crédit agricole, Caisse d'épargne"), ennemies jurées de l'AFB, qui du coup s'en trouve ravie. Cette union sacrée des banques ne s'était pas vue depuis la faillite, dans les années 70, de la Saudi Bank. «Les békés sont élevés au rang de princes arabes», ricane un banquier.

Enfin, l'Etat y sera fatalement de sa poche, en accordant une «garantie» ultime sur la liquidité du Crédit martiniquais. Comprendre: sa contribution dépendra du bon vouloir des autres saint-bernard et elle sera impossible à chiffrer avant quelques années. «Il n'y aura pas de plafond», confirme-t-on. La version définitive du sauvetage, précisant les contributions des uns et des autres, sera finalisée dans quelques jours: les banques devraient payer 600 millions, les actionnaires 300 millions et l'Etat 300 millions ­ un plancher.

L'intérêt de la nation. C'était couru d'avance: ainsi, l'agence de rating IBCA (qui délivre des notations sur la fiabilité des entreprises) avait bien noté le Crédit martiniquais en «considérant qu'il y aurait un soutien public en cas de problème».

Il existait pourtant une autre solution: un plan de sauvetage, purement privé, imaginé par un ancien dirigeant du" Crédit Lyonnais, qui aurait épargné l'argent du contribuable. La République RPR n'en a pas voulu, au nom de l'intérêt supérieur de la nation, sûrement.

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