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AU PAYS DES CENTENAIRES, LE CHLORDECONE FAIT BEL ET BIEN DES RAVAGES

AU PAYS DES CENTENAIRES, LE CHLORDECONE FAIT BEL ET BIEN DES RAVAGES

  La Martinique mériterait de changer son surnom.

  De celui d'"île aux fleurs", il devrait passer à celui d'"île aux centenaires". En effet, pas une semaine ne s'écoule sans que le quotidien local ne mette en exergue telle ou telle personne qui a atteint ou dépassé la centaine d'années. A partir de ce constat, l'essayiste Yves-Léopold MONTHIEUX a, dans un article récent publié sur ce site-Internet, mis cette longévité exceptionnelle en rapport avec l'empoisonnement de la Martinique par le chlordécone, ce dangereux pesticide organochloré utilisé dans les bananeraies pendant plus de trois décennies. A entendre MONTHIEUX et pour résumer sa pensée, il semble mette en doute la dangerosité de ce produit dont il déclare ensuite que le tapage médiatique qui est fait autour de ce scandale nuit à l'image de notre île.  

   Avant d'en venir à ce doute, faut-il rappeler que ce sont les Etats-Unis qui, les premiers, ont synthétisé cette molécule en 1976 et qu'ils l'ont interdit définitivement 3 ans plus tard (en 1979, donc) lorsque l'usine qui la fabriquait a explosé, déversant des tonnes de chlordécone dans un fleuve tout proche ? L'année d'après, l'espèce (rare) de crocodiles qui y vivait n'a donné naissance qu'à des bébés crocodiles...femelles, chose qui a entraîné l'extinction de l'espèce. Faut-il rappeler que dans les années qui suivirent la fermeture de cette usine, ses anciens ouvriers ont développé pour beaucoup des cancers de toutes sortes, notamment le redoutable cancer du myélome que les médecins martiniquais, notamment, du du Nord-Atlantique, détectent trop fréquemment chez leurs patients ?

   Les Américains, en interdisant le chlordécone, seraient-ils tombés sur la tête ?

   Faut-il rappeler que, tout comme dans le scandale du CEREGMIA, ce sont les propres services déconcentrés de l'Etat qui ont mis en lumière l'empoisonnement de nos sols, rivières, nappes phréatiques et rivages ? Dans la première affaire, c'est la Cour des comptes, le Sénat et l'IGAENER (Inspection Générale de l'Education Nationale) qui avaient levé le lièvre. Dans la seconde, celle du chlordécone, ce sont des services étatiques tels que la DDASS. Certes, les différents rapports (SNEGAROFF, DE KERMADEC etc.) avaient été soigneusement dissimulés à la population mais l'Etat savait la dangerosité extrême du chlordécone.

   Les Français auraient-ils tenté de cacher l'ampleur du désastre pendant tant d'années juste pour s'amuser ?

   Sinon Y-L. MONTHIEUX parle dans son article d'une "concurrence" entre Martiniquais pour savoir qui a révélé la dangerosité du chlordécone le premier. Ce n'est pas sérieux ! Il n'y a eu aucune concurrence d'aucune sorte, mais tout simplement la volonté d'établir la vérité face au déferlement médiatique entrainé par la commission d'enquête parlementaire de Serge LETCHIMY, commission aux pouvoirs tronqués d'ailleurs. En effet, était-il possible de laisser celui-ci jouer au Christophe COLOMB du chlordécone alors qu'il y a 12 ans, en 2007, lors de la parution de l'ouvrage Chronique d'un empoisonnement annoncé de Louis BOUTRIN et R. CONFIANT, il avait monté les revendeuses des différents marchés de Fort-de-France (dont il était le maire à l'époque) contre ces deux écologistes par le biais d'une association hâtivement créée, Machann Foyal, laquelle avait défilé dans les rues de la ville en conspuant ces derniers au motif qu'ils voulaient leur "retirer le pain de la bouche ? Fallait-il laisser cette forfaiture sans réponse d'autant qu'aucun journaliste n'a eu le courage de lui poser la question suivante :

   "En 2007, vous avez nié la dangerosité du chlordécone. Or, aujourd'hui, 12 ans plus tard, vous parlez de crime d'Etat et vous présidez une commission d'enquête parlementaire sur le sujet, comment est-ce possible ?"

   Oui, ces mêmes journalistes qui nous demandent de l'aide, financière et autre, pour sauver leur télévision ou leur journal !

   Passons...

   Et pour en finir avec cette histoire idiote de paternité de la dénonciation du chlordécone, rappelons une dernière fois la chronologie des faits :

 

   . dès le milieu des années 80, l'écologiste Pierre DAVIDAS, alors membre du PPM, alerte son parti et son secrétaire général de l'époque, Camille DARSIERES. En vain ! Celui-ci quitte le parti et entreprend de rédiger une série d'articles sur le chlordécone dans le magazine ANTILLA, seul organe de presse à l'époque à prendre les écologistes au sérieux.

 

   . L'ASSAUPAMAR, dont DAVIDAS devient l'une des chevilles ouvrières, dénonce, dans la décennie 1990, à diverses reprises, par la voix de Garcin MALSA, Henri-Louis REGIS, Pascal TOUBILLON et bien d'autres, l'empoisonnement de nos terres agricoles. En vain !

 

   . Le Registre du cancer de la Martinique fait état de l'augmentation exponentielle du nombre de cancers, en particulier celui de la prostate, dans les régions bananières de la Martinique. Cela n'émeut personne !

 

   . Louis BOUTRIN et Raphaël CONFIANT publient en 2007 leur ouvrage, puis un deuxième la même année, intitulé Chlordécone : 12 mesures pour sortir de la crise. Aucun écho non plus ! Les deux écologistes décident alors d'organiser en pleine Assemblée nationale à Paris, une conférence de presse, accompagné des députés écologistes français Alain LIPIETZ et Corinne LEPAGE. Aucun député antillais ne daigne y assister ! Mais tous les grands médias parisiens sont présents et la semaine d'après, LE NOUVEL OBSERVATEUR titre en couverture : "Les Antilles empoisonnées". Le scandale du chlordécone ne peut désormais plus être caché !

 

   . Le Pr Dominique BELPOMME, scientifique reconnu, dénonce avec fracas le chlordécone tant dans les médias hexagonaux qu'antillais. L'Etat tente de faire diversion, remet en cause sa crédibilité scientifique, mais à partir de ce moment-là, le scandale est sur la place publique et aucun Antillais ne peut dire qu'il n'en a pas entendu parler.

 

   . L. BOUTRIN, R. CONFIANT, G. DORWLING-CARTER et Claude LISE organisent une conférence à l'Atrium en 2010 sur le chlordécone. Plus de 300 personnes s'y presseront, y compris des représentants des services déconcentrés de l'Etat qui feront grise mine.

 

   . L'ASSAUPAMAR porte plainte contre l'Etat français pour mise en danger de la vie d'autrui et empoisonnement. L'Association POUR UNE ECOLOGIE URBAINE de Louis BOUTRIN également ainsi que diverses associations écologiques guadeloupéennes, notamment celle de l'avocat Harry DURIMEL.

 

   . L'affaire est délocalisée à Paris et depuis lors la justice fait le mort.

 

   . 12 ans plus tard, en cette année 2019, S. LETCHIMY découvre le chlordécone comme Christophe COLOMB avait découvert l'Amérique.

 

   Où Yves-Léopold MONTHIEUX a-t-il donc vu une "concurrence" entre dénonciateurs du chlordécone ? La chronologie est pourtant claire comme de l'eau de roche.

   Mais venons-en au point principal de son article : le rapport entre l'étonnante longévité des Martiniquais et la dangerosité du chlordécone que ladite longévité semble contredire. Pour ce faire, prenons le quotidien local qui aime à mettre nos Mathusalem en lumière et lisons :

 

   . édition du samedi 26 octobre, en page 18 : "Gervaise vient de fêter son 101e anniversaire".

 

   . éditions du mardi 29 octobre, en page 13 : "Man La Louise, 100 ans d'une vie intense".

 

    Sauf que Gervaise est née le 25 octobre...1919 et Man La Louise le 15 octobre...1918. Or, le chlordécone n'a commencé à être utilisé dans les bananeraies qu'en...1979, c'est-à-dire 60 années APRES leur naissance. Plus d'un demi-siècle donc ! Ce qui signifie que ces deux personnes ainsi que tous les autres centenaires dont nous parle le quotidien local chaque semaine, ont passé l'essentiel de leur vie sans boire une eau de source ou du robinet contaminée au chlordécone. Sans manger de légumes-racines chlordéconés. Donc le "doute" qui assaille Y-L. MONTHIEUX ne tient pas la route. Il n'est tout simplement pas sérieux. 

   En effet, pour mesurer la nocivité du chlordécone, il faut examiner les générations nées à partir de 1979 et qui ont donc la quarantaine aujourd'hui. Ce sont elles qui ont été lourdement impactées et qui, de toute évidence, n'atteindront pas les records de longévité de leurs grands-parents nés dans les années 20 du siècle dernier. Le Registre du cancer et nos médecins sont formels : ils détectent des cancers chez des personnes de plus en plus jeunes, parfois trentenaires, le plus souvent quadragénaires et quinquagénaires (alors que partout dans le monde, cette maladie touche surtout les septuagénaires). Des personnes qui tout au long de leur vie, de leur jeune vie, ont bu chaque jour, une eau du robinet polluée au chlordécone. 

   Enfin, quant à l'image de la Martinique qui serait, selon Y-L. MONTHIEUX, atteinte par le tapage autour du chlordécone, s'il veut parler du tourisme, ce n'est pas très sérieux non plus. Le touriste qui va passer une semaine au CLUB MED de Saint-Anne ou dans n'importe quel hôtel vient pour le soleil, la plage, la mer et même si on lui sert parfois des plats locaux, il sait très bien que ce n'est pas cela qui va le tuer. Il est sans doute smicard et a économisé durant deux ou trois ans pour s'offrir des vacances dans l'île aux fleurs, il n'est sans doute pas très cultivé ou informé, mais il sait au moins une chose : le chlordécone n'est pas de l'arsenic. Sinon tous les Martiniquais seraient déjà morts et il n'y aurait personne pour le servir dans son hôtel. 

   Ce n'est en tout cas pas parce qu'il aura mangé une ou deux fois des patates douces ou de l'igname chlordéconée au cours de son bref séjour en Martinique qu'il devra s'empresser de rédiger son testament à son retour dans son pays...

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