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Antilles : "Si nous n’arrivons pas à stabiliser notre université, le système actuel sera menacé" (C. Mencé-Caster)

Par Camille Cordonnier
Antilles : "Si nous n’arrivons pas à stabiliser notre université, le système actuel sera menacé" (C. Mencé-Caster)

"Si très rapidement, nous n’arrivons pas à stabiliser au mieux l’établissement et si les acteurs ne gardent pas à l’esprit que le meilleur choix est bien de rester sur la base d’un établissement unique, alors le système actuel sera à terme menacé", estime Corinne Mencé-Caster, présidente de l’université des Antilles, lors d’un entretien à AEF, jeudi 26 février 2015, pointant "un risque de concurrence effrénée entre les pôles guadeloupéen et martiniquais". Après le vote des députés sur le texte concernant les universités des Antilles et de la Guyane (lire sur AEF), elle souhaite "que les choix qui seront faits respectent l’esprit de la loi ESR" sans faire de son établissement "une exception", et espère qu' "un "compromis pourra être trouvé", lors de la CMP. Sur l’affaire du Ceregmia, elle évoque une "menace au niveau financier", l’université étant amenée à rembourser entre "8 et 10 M€".

AEF : Quel est votre sentiment après le vote par les députés d’un amendement gouvernemental supprimant le "ticket" de trois candidats à la présidence et aux deux vice-présidences de pôle de l’université des Antilles (lire sur AEF) ?

Corinne Mencé-Caster : Il faut tout d’abord comprendre que nous étions en attente de cette loi pour que notre université connaisse une stabilité institutionnelle. Nous aurions aimé que tout se passe sans problème. Mais le débat a été relancé et ne donne pas une bonne image de notre université. Nous pensons qu’il faut un dispositif pour favoriser la stabilité de l’université des Antilles, le ticket à trois est une proposition du Sénat allant dans ce sens, mais on pourrait l’aménager pour tenir compte de la nécessaire autonomie des pôles.

Conscient de cette double nécessité, autonomie des pôles et stabilité de l’établissement, nous avions une solution pour concilier les deux. Nous étions ainsi favorables à un aménagement du ticket à trois de la manière suivante : un vote en amont par chaque conseil de pôle d’une liste de trois candidats à la vice-présidence des pôles. Puis, pour l’élection du président, les candidats auraient choisi un nom dans cette liste, pour la fonction de vice­ président du pôle. Ce système aurait l’avantage de donner à chaque VP de pôle une légitimité aussi bien sur son pôle qu’au niveau de l’établissement. Concernant ce projet de loi, nous serons très attentifs à l’attitude du gouvernement face à notre université et aux jeunes qui vivent dans nos territoires qui sont déjà fragilisés. Nous espérons que les choix qui seront faits respecteront l’esprit de la loi ESR sans faire de notre établissement une exception dans le paysage universitaire.

AEF : Craignez-vous une scission des pôles martiniquais et guadeloupéen de l’université des Antilles comme la CPU ou certains députés ont pu le pointer ?

Corinne Mencé-Caster : Je pense qu’il faut éviter d’exacerber les sécessionnistes, car cela n'œuvre pas pour le bien de notre université. Mais si très rapidement, nous n'arrivons pas à stabiliser au mieux l'établissement et si les acteurs (parlementaires, ministère) ne gardent pas à l'esprit que le meilleur choix est bien de rester sur la base d'un établissement unique, alors le système actuel sera à terme menacé. Il y a en effet une crainte. Il faut avoir à l'esprit que nous connaissons une baisse de la démographie dans nos territoires et qu'il y a un risque de concurrence effrénée entre les pôles guadeloupéen et martiniquais pour capter un vivier qui s'étiole. Nous devons rester ensemble pour que notre système universitaire soit plus fort.

AEF : Une commission mixte paritaire va bientôt être créée pour s'accorder sur une version définitive du texte. Qu'en attendez-vous ?

Corinne Mencé-Caster : Je pense qu'il faut tenir compte des voix qui se sont exprimées contre le ticket à trois. À l'occasion de cette CMP, il va falloir être inventif et trouver comment aménager les choses. J'espère qu'un compromis pourra être trouvé sur le texte, c'est bien le but d'une CMP.

AEF : Comment réagit la communauté universitaire et quelle est l'ambiance à l'université des Antilles dans ce contexte ?

Corinne Mencé-Caster : La communauté universitaire est lassée car nous nous sommes retrouvés entraînés dans une scission accélérée avec la Guyane. Or, nous avons à mener des missions de formation, de recherche et d'insertion, dans un contexte déjà difficile. Dans nos territoires, le chômage atteint plus de 60 %. Pour nous, c'est un tourbillon sans fin avec cette polémique aujourd'hui autour de la gouvernance de l'université des Antilles. Nous demandons que les grands principes de l'enseignement supérieur et de la recherche soient respectés dans nos territoires.

AEF : Depuis le 1er janvier 2015, l'université de la Guyane est autonome. Comment les choses s'organisent-elles avec l'université des Antilles ?

Corinne Mencé-Caster : Nous avons mené un travail d'accompagnement pour que l'université de la Guyane soit opérationnelle au 1er janvier. Il reste encore plusieurs dossiers qui ne sont pas réglés, notamment concernant la faculté de médecine, l'IUT et l'école doctorale. Nous n'avons d'ailleurs pas de réponse de la part du ministère sur ces points. Pourtant, il ne nous est pas possible de trancher seuls sur ces sujets. J'ai écrit le 24 février dernier à Geneviève Fioraso concernant la répartition des moyens entre la Guadeloupe et la Martinique et également pour aborder les derniers problèmes à régler concernant l'université de Guyane. J'espère avoir une réponse. Du point de vue universitaire, nous espérons également que nous pourrons établir avec la Guyane les conventions que celle-ci souhaite signer avec nous.

AEF : Vous évoquez la répartition des moyens entre les deux pôles de l'université des Antilles. Sur ce point, un amendement déposé par le gouvernement mais rejeté par les députés prévoyait notamment de calculer les moyens des deux pôles en fonction de leur surface. Y étiez-vous favorable ?

Corinne Mencé-Caster : J'y étais opposée. Il s'agit d'une compétence du conseil d'administration que l'on ne peut figer dans la loi. J'y voyais une ingérence et une violation de l'autonomie. De plus, ce n'est pas prévu par la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche et le système Sympa ne prend pas explicitement en compte ce critère. Si l'on décide de prendre en compte toutes les surfaces, alors il faut également renégocier le budget de l'université ! C'est ce sur quoi nous nous étions mis d'accord avec les vice-présidents de pôles. Car les surfaces ont doublé mais le budget, lui, n'a pas suivi le même rythme.

AEF : L'université des Antilles a également été agitée par l'affaire du Ceregmia, un laboratoire de l'université qui aurait détourné des fonds européens (lire sur AEF). Où en est cette affaire ?

Corinne Mencé-Caster : Au niveau disciplinaire, j'avais demandé le dépaysement à Toulouse, ce qui a été accepté par le Cneser. J'ai d'ailleurs été auditionnée le 26 janvier dernier par le conseil de discipline à Toulouse-I. Le dossier suit donc son cours. La commission disciplinaire doit maintenant rendre son jugement et sa décision. Dans cette affaire, je rappelle que deux professeurs ont été suspendus jusqu'au 26 mai 2015 et que leur recours en référé suspension devant le Conseil d'État a été rejeté. Ces deux professeurs se sont eux-mêmes désistés de leur propre recours en annulation au Conseil d'État, donc sur le fond du dossier.

Au niveau judiciaire, l'affaire se poursuit également et pourrait concerner d'autres personnes puisqu'il s'agit d'une instruction pour "détournement de fonds et escroquerie aux subventions en bande organisée". Un nouveau juge d'instruction a été nommé. Nous sommes également en contact avec l'Office européen de lutte antifraude. L'université va devoir rembourser des sommes importantes dans cette affaire, mais il s'agit aussi pour nous de montrer que l'université des Antilles a également alerté les autorités compétentes et s'est fait un devoir de mettre fin à cette gestion malsaine.

Il s'agit en tout cas d'une menace au niveau financier pour notre établissement. Nous avons déjà enregistré 2 M€ de pertes sur le compte financier 2014. Nous avons également dû rembourser 500 000 euros à la préfecture de la Martinique et nous avons provisionné la même somme pour l'année prochaine. L'Agence universitaire de la francophonie nous réclame également 2 M€. En tout, cela représente entre 8 et 10 M€ à débourser pour l'université des Antilles. Nous espérons donc que l'université ne sera pas la seule mise en cause et que la justice ira jusqu'au bout.

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