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Année 2020 : le retour du nationalisme martiniquais

Yves-Léopold MONTHIEUX
Année 2020 : le retour du nationalisme martiniquais

Ce n’est pas chose aisée de désigner le Martiniquais de l’année. L’année de la pandémie aurait pu mettre en évidence un médecin hospitalier ou un grand dirigeant de la santé.  Par ailleurs, eu égard à son succès en Equipe de France de football féminin, Wendy Renard pourrait aussi prétendre à la distinction de Martiniquaise de l’année, encore qu’elle pourrait être nommée la sportive martiniquaise de l’année. Mais on est plutôt enclin à porter le regard vers ceux qui nous dirigent : les élus.

C’est peu dire qu’au cours d’une année marquée par la grève des enseignants la plus longue que la Martinique ait connue, l’absence durable d’eau dans les foyers, la pandémie qui se poursuit ainsi qu’un activisme ethno-politique sans précédent, aux couleurs du drapeau Rouge-Vert-Noir du nationalisme, les hommes politiques n’ont pas brillé par leurs initiatives. Tout au plus se sont-ils flattés d’offrir à la communauté médicale l’aide de médecins cubains, façon de mordre les jarrets du pouvoir régalien de la santé. Leur embarras a été, pour la plupart d’entre eux, particulièrement perceptible lors des menées activistes où les postures les plus inattendues se sont dévoilées. Ne sachant pas quelle attitude observer entre l’audace des jeunes et la circonspection de la population, des élus se sont portés au-devant des exigences des premiers, souvent au mépris de leurs propres convictions. On ne reviendra pas sur les aînés embourgeoisés qui, après soixante-dix années de posture révolutionnaire, s’effraient que leurs petits-enfants veuillent donner du sens au discours de rupture qu’ils ont distillé à leurs parents.

Bref, après épuisement de la liste des dirigeants politiques, on revient donc à Alfred Marie-Jeanne, président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique. Si les statuts de la CTM n’en font pas formellement le premier élu martiniquais, sa personnalité et la réalité politique s’en sont chargées. Les imperfections de l’institution lui ont permis de développer pendant cinq années des méthodes de gouvernance qui ont été déplorés dès la première heure. Ce mode de fonctionnement utilisé en « démocrature » ne devrait pas permettre de le nommer « Martiniquais l’année ». Mais qui d’autre mériterait cette distinction ? Reste que malgré la guerre de tranchée que lui a menée l’opposition pendant les deux premières années, les réalisations de la collectivité présentées en 2020 sont incontestables. Sous la réserve relative du bilan comptable de la gestion globale des transports publics, la mise en fonctionnement du TCSP et du transport maritime, la substitution de Martinique transport à la CFTU, l’essai de gratuité en cours ainsi que le début de généralisation des bus à l’ensemble du territoire ont été essentiels dans un secteur où les attentes étaient considérables.

Un échec important résulte de l’incapacité à répondre au besoin de la population en eau courante. La responsabilité de la CTM n’est pas mince dans ce domaine : celle du président de l’exécutif qui refuse d’appliquer une délibération de l’assemblée tendant à régler cette affaire ; celle de l’assemblée qui, à ce jour, s’est avérée incapable d’y contraindre le président de l’exécutif ; celle, finalement, de l’institution elle-même dont les imperfections ont pu inciter à commettre les irrégularités déplorées.

Par sa posture de nèg mawon, le vieux prestidigitateur politique qui, jusqu’à ce jour, n’a pas trop souffert de ses démêlés avec la justice, semble avoir retrouvé ses vieux habits de nationaliste et pouvoir retourner à son profit sa faute de pouvoir. Celui qui, certes au prix d’une pantalonnade, aura permis la présence officielle en terre martiniquaise de médecins cubains, ne se sera pas laisser larguer par les jeunes activistes. Il ne leur a jamais tenu de propos hostiles et pour ceux d’entre eux qui voudraient le prendre en défaut d’idéologie, il rappelle qu’il est celui qui avait rebaptisé toutes les rues de Rivière-Pilote aux patronymes et actes liés à la période post-esclavagiste, et celui qui avait proposé de rebaptiser Aimé Césaire le Lycée Schoelcher. Ce n’est donc pas un hasard si lors de ses vœux il a eu un mot particulier pour la jeunesse martiniquaise. Alfred Marie-Jeanne réussira-t-il à dérouter ceux qui l’ont trouvé, pendant sa longue vie politique, fort oublieux des préceptes qu’il a enseignés ? Certainement pas jusqu’à se faire reconnaître Homme de l’année par la presse.

Quoi qu’il en soit, bien plus qu’un homme ou une femme, c’est une idée qui aura dominé l’année 2020. Né au début des années soixante, le nationalisme martiniquais n’a jamais été depuis tout à fait endormi. Mais teinté d’une coloration ethnique non dissimulée, il semble avoir été libéré depuis l’équipée du supermarché de Génipa, en 2019, sous la houlette de Kemi Seba, les 3 couleurs déployées. A la stupeur des anciens professeurs qui n’en demandaient pas tant ! L’audace et les outrances ne suscitent guère, de leur part, que haussements d’épaules ou condamnations rentrées.

Fort-de-France, le 31 décembre 2020

Yves-Léopold Monthieux

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