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AFFAIREE MAXETTE PIRBAKAS : NE PAS SE TROMPER DE COMBAT

AFFAIREE MAXETTE PIRBAKAS : NE PAS SE TROMPER DE COMBAT

   Il fallait dénoncer le vote de la député européenne de la Guadeloupe Maxette Pirbakas et cela a été fait en long et en large, notamment sur les réseaux sociaux.

   Cette élue du RN (Rassemblement National), le parti de Marine Le Pen, méritait une volée de bois vert et ce ne sont pas ses explications alambiquées (elle se serait "abstenue") qui pourrait lui valoir le moindre pardon. A la limite s'abstenir sur un tel sujet est bien pire que voter contre car il signifie que la question ne vous regarde pas. Que ce n'est pas votre problème !

   Cependant, cette juste levée de boucliers, ces indignations tous azimuts, ne doivent pas servir de paravent à l'hypocrisie et à la lâcheté de tous ces Antillais qui se complaisent, se vautrent même dans le système néocolonial français, drapés pour beaucoup dans un autonomisme des plus vagues et un indépendantisme aussi obscur que la brume de sable qui a envahi notre archipel ces jours-ci. Sans même parler du confusionnisme "kémite"...

   D'abord, la haine de l'Autre et singulièrement du Nègre, s'il émane incontestablement de l'institution esclavagiste mis en place par les colons français, a été, malheureusement recyclée, après l'abolition de l'esclavage, par les "hommes de couleur libres", pour la plupart Mulâtres. Certains d'entre ces derniers possédaient même des esclaves avant 1848 ! L'idéologie qu'a dénoncée Frantz Fanon dans Peau noire, masques blancs (1952) possède, on l'oublie trop souvent, une double face : d'un côté, le suprématisme blanc et béké ; de l'autre, le "mulâtrisme", même s'il n'emploie pas ce terme, consistant à "sauver la race" ou à blanchir.

   Le Nègre antillais a donc subi ces deux ignominies pendant des siècles.

   Mais, à partir de 1853, cela on l'oublie aussi un peu trop, lorsque pour pallier le manque de main d'oeuvre, les planteurs békés importèrent des dizaines de milliers d'Asiatiques (Indiens, Chinois etc), une troisième ignominie vit peu à peu le jour : le mépris de l'Indien qualifié de "Malaba" (Guadeloupe) ou de "Kouli" (Martinique). Mépris émanant cette fois des "nouveaux libres", des Nègres et de leurs descendants. De même qu'un enfant mulâtre était "sauvé" de la Négritude, le rejeton du Noir et de l'Indienne dit "Chapé-Malaba" ou "Chapé-Kouli" était sauvé lui aussi de l'indianité ! Dans notre langage, "sauver" ou "s'échapper" revient exactement au même : on échappe à plus méprisable que soit ou plus exactement à celui que l'on considère comme tel. 

   Tout ceci pour dire que le déchaînement anti-Indien qui s'est produit sur Internet suite au vote Maxette Pirbakas en relève pleinement et est tout bonnement inadmissible. Les Indo-Antillais furent, en effet, la dernière couche ou classe sociale, celle qui était située au plus bas de l'échelle jusqu'à la fin des années 60 du siècle dernier. Munis d'un contrat de 5 ans, ne parlant ni français ni créole, hindouistes et non chrétiens, parqués sur les "Habitations", ils étaient, depuis 1853, taillables et corvéables à merci et les qualifier de briseurs de grève au service des Békés reflète l'ignorance crasse de leurs détracteurs. Pourtant des dizaines d'ouvrages sont parus sur la question depuis un demi-siècle !

   Si le groupe indien a réussi progressivement à s'arracher à sa condition quasi-servile, ce ne fut donc pas en exploitant quiconque, mais par le travail. Le travail acharné. Tout comme bon nombre de descendants d'esclaves noirs ! Pointer du doigt, comme l'ont fait une meute d'internautes, l'origine indienne de Maxette Pirbakas et du même coup sa "communauté" est pure lâcheté car personne n'a pointé du doigt l'origine nègre d'Ibo Simon lorsqu'il organisa la chasse aux immigrés dominiquais dans certains quartiers de Pointe-à-Pitre à la fin des années 80. Ni lorsqu'i réussit à se faire élire, avec trois de ses comparses, au Conseil régional. Même s'il était enmanché avec le Béké Viviès, chacun sait bien que ce ne sont ni les Békés, trop peu nombreux, ni les "Métros" dont peu sont inscrits sur les listes électorales, qui l'ont fait élire.

   Ibo Simon n'était donc pas facho et xénophobe parce que Nègre, pas plus que Maxette Pirbakas n'est facho parce qu'Indienne.

   D'autre part, s'agissant de cette dernière, d'aucuns occultent trop souvent le score incroyable de 9.000 voix qu'avait fait la liste RN, menée par J. Bardella, en Guadeloupe, chose qui permit à M. Pirkabas, en grande partie, d'obtenir sinon de justifier son siège de député européen. Il est douteux que tous ces bulletins aient été déposés dans l'urne par les seuls Indiens. On préfère, en Guadeloupe et en Martinique, se hausser du col en glorifiant l'action, certes parfaitement justifiée, consistant à interdire à l'avion des Le Pen d'atterrir dans nos pays. Or, ce fait d'armes incontestable nous a permis d'ignorer ou de minimiser la montée d'un double ostracisme : celui concernant les immigrés caribéens pour la plupart Nègres (Dominique, Sainte-Lucie etc.) ; celui, moins ouvert, plus diffus, contre nos minorités indienne, syro-libanaise et chinoise. 

   C'est ce dernier ostracisme qui vient d'éclater au grand jour avec l'affaire Pirbakas. 

   Au lieu de nous concentrer sur la seule chose digne d'intérêt au vu de la situation catastrophique dans laquelle se trouve nos deux pays, à savoir l'accession à la souveraineté nationale, beaucoup préfèrent désormais se réfugier dans le discours ethniciste. Nos descendants locaux de Toutankhamon ou plus exactement autoproclamés ont remplacé "indépendantiste" par "noir". On a comme l'impression que les 7.000kms qui nous séparent de la France se sont comme volatilisés et que nous sommes devenus une minorité nationale de cette dernière. Des sortes de "Noirs américains de la France" en quelque sorte...

   Or, en cas d'accession à la souveraineté, si nous n'avons pas réglé notre question "raciale", si nous ne nous sommes pas acceptés comme nation multi-ethnique (incluant les "Métros" qui auront choisi notre camp), nous nous retrouverons dans la même situation que Trinidad où Noirs et Indiens se regardent en chien de faïence ou pire, que le Guyana où ils se combattent ouvertement. C'est le rôle de nos intellectuels que de démonter les discours ethnicistes, ce qui ne signifie absolument pas ne pas combattre le racisme en sombrant dans le blablabla bisounours et oeucuménique. Par exemple, les Békés se doivent d'être férocement mis à l'index pour l'utilisation massive du chlordécone pendant des décennies. Le "mulâtrisme", qui avance désormais masqué, mais qui perdure plus que jamais, doit, lui aussi être combattu tout comme certaines tendances indo-centrées ou suprématistes indiennes, elles aussi "anbafet". Tout comme le noirisme...

    Oui, c'est le rôle des intellectuels que de faire ce (difficile) travail de clarification tout en ne perdant JAMAIS de vue que l'objectif principal est l'accession de nos pays à la souveraineté nationale.

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