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Affaire Chalvet : la guerre des syndicats (I)

Yves-Léopold MONTHIEUX
Affaire Chalvet : la guerre des syndicats (I)

Ce titre est celui de la longue interview du père LE QUERE, curé de la paroisse du Lorrain au moment des incidents qui se sont déroulés en février 1974 sur l’habitation CHALVET, à Basse-Pointe. Réalisé par l’hebdomadaire ANTILLA et parue le 11 février 2004 (N° 1077), cet entretien est signé ADV, sous le titre « Affaire Chalvet, un autre regard »).

Ce fut donc la guerre entre l’UGTM et la CGTM[1]. : « Ce qui m’a le plus frappé dans cette histoire, c’est qu’il n’y aurait pas eu dégât si les syndicalistes (ou les partis politiques qui étaient derrière) n’avaient pas attisé. Parce qu’ils n’étaient pas d’accord entre eux, là, c’était clair, c’était net. Or, je n’ai vu nulle part dans aucun journal, aucune revue, aucune émission, qu’en dessous de cela il y avait une guerre des syndicats ». C’est la conclusion de l’interview, riche en informations, du père LE QUERE, qui sera entièrement reproduit dans une prochaine contrechronique (Affaire Chalvet : la guerre des syndicats (II).

Bientôt, dans la stricte observance du récit national martiniquais, que j’ai nommé l’histoire martiniquaise à côté de l’histoire, on commémorera la date anniversaire de l’affaire CHALVET. Certes, ce fut un moment important pour les ouvriers de la banane de la Martinique. La relation de cette histoire apparaît néanmoins comme résultant d’un prêt-à-penser ou un cahier des charges dont ne doivent se départir, sous peine d’infamie, ni les historiens ni les journalistes ni les cinéastes. Ce curieux processus intellectuel conduit à ce que l’esclavage de la Martinique ait été aboli le 22 mai 1848, par les seuls moyens du peuple[2] soit 1 mois plus tard que pour les autres vieilles colonies, le 27 avril 1848 ; que décembre 1959 ait été qualifié d’émeute politique où 3 jeunes héros s’étaient dressés contre le colonialisme français ; que la fusillade du Lamentin ait été voulue et organisée dans le cadre du principe de la loi française : « qui veut du pain aura du plomb[3] »... ; que l’épisode de l’OJAM ait été considéré, malgré l’évidence et en dépit de l’aveu contraire des participants[4], eux-mêmes, de succès contre le colonialisme.

Revenant au curé du Lorrain, aucun historien n’a cru à ce jour devoir tenir compte des révélations contenues dans son témoignage, et encore moins interroger ce témoin privilégié, aujourd’hui disparu. Mais on connaît l’art qui consiste à laisser mourir, sans les entendre, les témoins de la vraie histoire. A l’instar des médecins qui ont réalisé l’autopsie de l’ouvrier en bâtiment MARIE-LOUISE dont le corps sans vie avait été retrouvé sur une plage du Lorrain.

Entendons-nous bien ! Il serait malvenu d’ignorer des faits de violence rapportés par des témoins oculaires ni les gains, modestes certes, obtenus au terme de ce combat, lesquels justifient que cette date soit retenue par l’histoire. La grève de février 1974 était l’affaire des ouvriers de la banane et c’est bien un ouvrier agricole, HILMANY, qui a payé de son sang un petit progrès : il n’est pas question de leur voler leur histoire. Des ouvriers, déclare le père LE QUERE aux syndicats, les yeux dans les yeux, qui « ont besoin de vous pour que vous les défendiez, c’est une juste cause, ils sont vraiment très, très mal payés, il faudrait quand même (quand même !) les défendre… ».  « …vous vous disputez, poursuit-il, … ce n’est pas comme ça que vous allez défendre l’intérêt des travailleurs de la banane… si je vous ai prêté la salle[5], c’est pour une réunion, pas une désunion… ».

Le paroxysme du combat des ouvriers a été atteint par la mort d’HILMANY, l’évènement majeur de l’affaire de CHALVET. En revanche, il n’est pas fait allusion ni dans les ouvrages ni dans la presse, de la querelle syndicale qui a atteint son paroxysme le jour de l’enterrement de cet ouvrier. L’un des syndicats allait emporter le cercueil qui se trouvait déjà dans l’église[6]. Comme c’est souvent le cas dans l’histoire, ces deux pics ne pouvaient que conduire à la désescalade et l’apaisement entre la CGTM et l’UGTM qui se disputaient le cadavre d’ILMANY[7].

Fort-de-France, le 22 janvier 2020

Yves-Léopold Monthieux

 




[1] Le texte intégral fera l’objet d’une page d’informations ContreChroniques à laquelle il sera ajouté des sous-titres pour en faciliter la lecture. Il vous sera adressé avant le 14 février 2020.

[2] Déclaration de l’historien Armand NICOLAS dans France-Antilles

[3] Extrait du « Discours des Trois tombes » de Georges GRATIANT

[4] Déclaration de Léon SAINTE-ROSE-FANCHINE, militant de l’OJAM, à Martinique la 1ère. Déclaration d’un autre membre dans le film La Martinique aux Martiniquais : « il y avait autant d’OJAM que d’ojamistes ».

[5] Le curé a prêté la salle paroissiale du LORRAIN au nouveau syndicat UGTM, ce qu’a contesté la CGTM, habituée des lieux. C’est le début de la dispute ouverte entre les deux syndicats, l’un en mode offensive, l’autre en position défensive.

[6] Affaire Chalvet : la guerre des syndicats (II)

[7] Sévère CERLAND, maire communiste du Macouba : « c’était un stratagème pour retirer le cadavre des mains de l’UGTM ».

 

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