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A L’AUBE DE L’ABOLITION, MÉTISSAGE RELIGIEUX

A L’AUBE DE L’ABOLITION, MÉTISSAGE RELIGIEUX

{{Déjà détenteurs des richesses et du pouvoir politique les maîtres ont souvent utilisé le catholicisme comme autre instrument de sujétion. En dépit de l’interdiction dont il a été longtemps victime à Villèle l’hindouisme y occupe aujourd’hui une place prépondérante. Point de rivalité cependant entre les religions, mais une harmonieuse et originale symbiose culturelle, à l’image d’une population métissée, à forte composante d’origine tamoule. Sulliman ISSOP (avec Alexis MIRANVILLE)}} [sulliman@jir.fr->sulliman@jir.fr]

Avant l’abolition de l’esclavage, contrairement à de nombreux autres grands propriétaires qui y voient une préparation à l’émancipation, Mme Desbassayns prend grand soin de l’éducation religieuse des esclaves de son habitation, sur laquelle elle fait construire une chapelle en 1843. Pourtant, elle se refuse absolument à les affranchir, même pour les récompenser. Elle se préoccupe donc plus du salut de leur âme que de leur liberté sur terre. Par ailleurs, c’est à cette même époque que son fils Charles fait régner sur le domaine une discipline de fer.

Un prêtre de Saint-Paul, l’abbé Macquet, en visite à Saint-Gilles-les-Hauts vers 1844-1845, reconnaît avec tristesse que les esclaves de l’habitation Desbassayns travaillent comme des bêtes de somme, mais estime que seule “la garde des consciences et des bonnes mœurs” relève de la responsabilité de l’Église. Après la mise en service de la chapelle Pointue en 1843, les mariages religieux se multiplient. Ces cérémonies sont l’occasion d’attribuer officiellement des noms de famille bien français aux esclaves qui, jusqu’alors, n’étaient désignés que par des prénoms. La quasi-totalité de ces prénoms avait été prise dans le calendrier chrétien. Ce choix témoigne de la volonté de Mme Desbassayns d’enraciner ses esclaves dans la foi catholique et de leur forger une identité française. Les témoins des mariés, les parrains et marraines des baptisés sont la plupart du temps des employés ou des proches de Mme Desbassayns.

Dans cette politique de civilisation menée à l’échelle d’une habitation, la religion apparaît comme un moyen de moraliser les mœurs, rendre la main d’œuvre docile et renforcer l’autorité des maîtres. Après l’abolition de l’esclavage, la famille de Villèle poursuit avec la même vigueur la christianisation de la main d’œuvre engagée. Alors que celle-ci est composée à 80 % d’Indiens qui sont venus avec leur religion et tiennent à la conserver, leurs cérémonies sont strictement interdites sur le domaine. La consultation des anciens registres de la paroisse montre que ces Indiens, enfants et adultes, reçoivent les sacrements de baptême et de mariage. Comme à l’époque de Mme Desbassayns, les témoins, parrains et marraines sont des proches de la famille des propriétaires de l’établissement, mais aussi les plus fidèles de leurs engagés, leurs domestiques et surtout leurs gardes champêtres particuliers.

En plus de l’encadrement professionnel des nouveaux engagés, ils ont un œil sur leurs pratiques religieuses. Tous les nouveau-nés des familles indiennes se voient attribuer des prénoms français, certains très évocateurs de leur nouvelle religion, tels que Marie Joseph, Marie Marthe ou Vincent de Paul. On relève même le cas d’un jeune homme qui s’est marié à une descendante d’esclave du camp en conservant son prénom tamoul, lequel est remplacé par “François” dans l’acte de baptême de son enfant. La christianisation des engagés de toutes les ethnies, qui favorise le métissage de la population du camp, devait viser surtout à intégrer les nouveaux arrivants dans le petit monde bien hiérarchisé du domaine sucrier, dont on contribuait ainsi à améliorer la productivité. L’engagisme force les engagés, indiens, à détacher leur religion de son cadre géographique naturel pour l’inscrire sur une terre nouvelle et aussi à rythmer leur vie d’après le calendrier grégorien. Par ailleurs, les maîtres du domaine s’efforcent de faire disparaître la religion des engagés au profit du catholicisme qui est d’ailleurs la seule voie d’intégration et d’ascension sociales.

Les résistances de l’hindouisme À toutes ces contraintes et pressions, certains engagés indiens, profondément attachés à leur religion, opposent une résistance, souvent passive et qui prend des formes diverses. La plupart d’entre eux ont continué à la pratiquer discrètement dans leurs petites chapelles familiales ou en se rendant dans les temples des villages voisins. D’autres semblent avoir trouvé dans les fêtes catholiques des occasions pour célébrer leurs rites, pour dissimuler aux yeux des maîtres leurs cérémonies religieuses spécifiques, pour s’adresser, par delà les images et les statues des saints, à leurs propres divinités. Ainsi, Marliémen, symbole de la tendresse maternelle et déesse de la santé, a pu être assimilée à la Vierge Marie des catholiques, fêtée comme elle au mois de mai.

La coexistence du catholicisme et de l’hindouisme a été également à l’origine de certaines formes de syncrétisme ou métissage religieux bien visible à Villèle. Saint Expédit, qui a sa statue dans la cour de la chapelle Pointue, est aujourd’hui vénéré à la fois par des tamouls et par des catholiques. Il n’est d’ailleurs pas sans rappeler la déesse Kâlî, avec ses habits rouges, mais surtout pour sa rigueur et la rapidité avec laquelle il est censé exaucer les vœux et punir ceux qui ne tiennent pas leurs promesses à son égard.

C’est aussi le cas de l’archange Saint Michel, généralement représenté en armure, terrassant au moyen de sa lance un dragon qui symbolise le diable. Sa légende de chef de l’armée céleste ne peut pas ne pas faire penser à celle de Kâlî, la guerrière victorieuse des démons et des forces du mal, ainsi qu’à celle de Saint Expédit, le légionnaire romain que l’on voit écraser de ses pieds un corbeau. Dans la chapelle Pointue, des ex-voto et des fleurs s’entassent aux pieds de la statue de Saint Michel, et, comme pour Kâlî ou Saint Expédit, des fidèles la revêtent parfois d’une pièce de tissu rouge.

C’est seulement à la fin des années 1960 qu’un temple hindou peut être édifié à l’intérieur de l’ancien camp d’esclaves et d’engagés. À l’image de l’ensemble des cases de la petite agglomération, ce qui lui vaut son appellation de “Chapelle la Misère”, il jouit rapidement d’une renommée qui tient surtout à la personnalité de son fondateur. Prêtre hindouiste, Daniel Singaïny veut faire de ce temple un lieu de culte, mais aussi le symbole de la résistance et du triomphe de l’hindouisme à Villèle.

Source : [CLICANOO.COM->http://www.clicanoo.com/index.php?page=article&id_article=185516]

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