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22 mai 1848 : abolition de l’esclavage en Martinique : le mythe Schoelcher remplacé par le mythe Bissette ?

Marie-Hélène LÉOTIN
22 mai 1848 : abolition de l’esclavage en Martinique : le mythe Schoelcher remplacé par le mythe Bissette ?

Depuis de nombreuses années, dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale, des historiens, chercheurs, militants politiques (nous citerons les précurseurs Gabriel Henry et Armand Nicolas), ont révélé la date du 22 mai 1848 et le rôle fondamental des masses esclaves dans l’abolition en Martinique. Parallèlement, une thèse apparaît mettant l’accent sur les mulâtres et les hommes de couleur libres comme acteurs essentiels du processus aboutissant à l’abolition du 22 mai, reprenant les thèses développées par la classe des grands propriétaires terriens ( Dessalles, Huc, de Lalung...: « les esclaves sont impatients de jouir de la liberté, et les hommes de couleur les poussent »; « à peine la nouvelle de la révolution était-elle connue à la Martinique, que les nègres, poussés par les gens de couleur, commencèrent à s’agiter. L’émancipation était positivement promise, les esclaves n’avaient aucune raison pour s’insurger ; ils n’agissaient qu’à l’instigation des gens de couleur, qui, trop lâches pour se montrer à découvert, espéraient en poussant les nègres en avant, faire de la Martinique une seconde Haïti »).

Que faut-il en penser? Bissette, martyr de la liberté, comme le titre Stella Pame ? Indépendantiste comme le suggère Irmisse de Lalung ?

Il est certain que toutes les catégories sociales ont joué un rôle dans l’abolition de l’esclavage, y compris des blancs créoles partisans du libéralisme et du passage au travail salarié. C’est d’ailleurs le combat de Schoelcher.

Quel est le rôle des hommes de couleur libres, et particulièrement de Bissette?

Dès l’époque de la Révolution française, la catégorie intermédiaire des gens de couleur libres réclame l’égalité des droits avec les Blancs, sans jamais souffler mot de la situation des esclaves.

Cyrille Bissette participe à la répression de la révolte du Carbet en octobre 1822, une révolte qui marque un tournant sur le chemin de l’émancipation et dont nous célébrerons dignement le bicentenaire l’année prochaine.

Le nom de Bissette est associé à la diffusion de la fameuse « De la situation des hommes de couleur libres aux Antilles françaises » en 1824. Cette brochure réclame l’égalité des droits pour les hommes de couleur libres et le rachat progressif des esclaves.

Ce n’est qu’après l’échec de la révolte de la Grand’Anse (Noël 1833) et la répression vis à vis des gens de couleur libres que cette catégorie comprend qu’elle n’obtiendra pas l’égalité des droits avec les Blancs, droits civiques et politiques, s’il n’y a pas dans le même temps une véritable transformation de la société. La cause des mulâtres et celle des esclaves se rejoignent.

À partir de 1834, les gens de couleur libres se rangent dans le camp de l’abolition immédiate, tout comme Schoelcher (voir la « Revue des Colonies » animée par Bissette), car seule l’abolition permettra de ne pas remettre en cause la loi sur l’égalité des droits votée sous Louis-Philippe.

La nouvelle de la proclamation de la République en France arrive en Martinique le 26 mars 1848. Dès lors, l’agitation, les refus de travail, les grèves d’esclaves redoublent sur les habitations. L’arrestation de l’esclave Romain met le feu aux poudres.

Le 22 mai 1848 au matin, c’est bien l’intervention du mulâtre Pory Papy qui permet de libérer Romain. Après la fusillade du Prêcheur, le 22 mai au soir, ce sont bien les masses esclaves armées et contrôlant la ville de Saint-Pierre qui imposent au gouverneur Rostoland l’abolition immédiate de l’esclavage (Rostoland: « À mon débarquement ..., je traversai pour me rendre à l’hôtel du Gouvernement une foule immense armée de bâtons,de piques et d’armes à feu portatives de toute espèce. Tous les groupes avaient à la bouche des paroles de menace... »)

En 1849, Bissette ne parle plus de domination économique de l’élite békée. Il parle de fusion des races, d’oubli du passé. Au milieu du XIXe siècle, c’est l’élite mulâtre qui constitue la classe montante et qui va prendre le pouvoir politique local. À la fin de l’année 1849, la commune de Marie-Galante en Guadeloupe est secouée par de graves « désordres ». Les « perturbateurs » sont arrêtés, l’état de siège est proclamé. Émeutes et incendies touchent Basse-Terre et Pointe-à-Pitre. Bissette prend la parole à l’Assemblée Nationale: « L’état de siège permettra d’atteindre les incendiaires, n’importe dans quelle classe ils se trouvent ». Tout au long de la législature, Bissette reste fidèle à ses principes : « Envoyé par vous à l’Assemblée Législative, pénétré de l’importance de ce mandat, mon drapeau sera toujours déployé et sa devise sera toujours : ordre et travail ! Justice et conciliation ! »

Nous ne ferons pas de Bissette un martyr de la liberté en occultant le rôle des masses esclaves dans le processus de libération, car cela serait grave en termes d’émancipation pour notre peuple.

 

Marie-Hélène LÉOTIN

Commentaires

dosojos4u | 06/04/2021 - 20:49 :
L'esclavage est aboli le 27 avril 1848. La mesure s'applique deux mois après la promulgation du décret dans chaque colonie. C'est Perrinon, commissaire de la République pour la Martinique, qui est chargé d’apporter le décret. Il arrive en Martinique le 3 juin. Sauf erreur, l'abolition devait donc intervenir début août. Toutefois, dès que la population a connaissance de la signature du décret, des révoltes ont lieu visant à une abolition immédiate. Pour faire cesser ces révoltes, le gouverneur Rostoland anticipe, proclamant, le 23 mai, avant même l'arrivée de Perrinon, une abolition sans délai.

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