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12 JANVIER 2017. SEPT ANS.

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12 JANVIER 2017. SEPT ANS.

Pour beaucoup, une page a été tournée, des plaies se sont cicatrisées. Le commerce, par décision de l’exécutif, fonctionne et les enfants sont envoyés à l’école où ils doivent, en principe, participer à la réflexion sur un thème communiqué 48 heures à l’avance par le gouvernement sur la sensibilisation, la réduction de la vulnérabilité par rapport aux risques et aux désastres. Les processions, les gens vêtus de blanc, écrasés par la douleur et le souvenir d’une personne emportée par le séisme, sont rares dans les rues de la grande agglomération urbaine de Port-au-Prince. 

Pourtant, des croyants, des irréductibles ne se sont pas alignés. Pour eux, vivre, avoir survécu ce mardi là tient du miracle, de la volonté de Dieu, un Dieu qu’il faut à tout prix remercier. L’église Altagrâce, à Delmas, a tenu son culte devenu rendez-vous. Peu à peu, le jour mange ses heures et les rayons du soleil balaient le froid du petit matin alors que le cœur du devoir de mémoire officiel bat d’abord à Titanyen, au nord de la capitale où le président Jocelerme Privert a déposé des fleurs au mémorial non encore achevé érigé, dit-on, pour « ne pas oublier » avant de retourner au « Palais national », aux environs de 10 heures.

Au Champ de Mars, vers le siège non reconstruit de la présidence, des sirènes hurlent, des véhicules diplomatiques blindés longent la rue Oswald Durand, dans ce qui semble être l’indifférence des gens et le non-respect flagrant des consignes quant à la diffusion de musique dans un lieu public. Au diable musique de circonstance !!!. Sur la place des artistes, un haut-parleur hurle un vieux tube de Zenglen, interprété par Ritchie : « Si m te ka kilòt ou mete, mwen pa tap jan m sal ni chire, pou jan m renmen w doudou …»

Plus à l’ouest, une minute à vol de papillon, à l’angle de la Faculté d’ethnologie, en face de la place Pétion, il faut passer une haie de sécurité gardée par des hommes en arme. Le périmètre immédiat du palais est bouclé, complètement stérilisé, comme s’il y a avait un petit décalage, un fossé entre les officiels et les gens en ce jour de recueillement. À l’intérieur, non loin du drapeau national flottant à demi-mât, entre des containers quelque peu cabossés et la clôture métallique, deux stands posés sous un ciel bleu clair accueillent les invités à la cérémonie œcuménique. Quelques visages sont fermés dont celui du ministre de l’Intérieur qui arbore fièrement sa pilosité ces temps-ci.

Le pasteur Silvain Exantus, responsable de la Fédération protestante d’Haïti, sous les yeux du chef de l’État, du Premier ministre et d’innombrables diplomates, revient sur ces heures sombres quand des hurlements, des cris de douleur, des appels au secours étaient lancés à Jésus. Il raconte son itinéraire, son vécu, ses épreuves, ses douleurs. La souffrance, immense ce jours-là et les jours d’après, la solidarité entre les Haïtiens, la solidarité des pays amis, ne se sont pas effacés.

Ces souvenirs sont encore vivaces dans la mémoire de Mgr Zaché Duracin, de l’Église anglicane en Haïti. Parce que les peuples ne sont pas faits pour lécher continuellement leurs blessures, l’homme d’église soutient qu’il faut passer le cap difficile du deuil et se mettre à méditer, réfléchir, prier « pour que le Très-Haut qui connaît tout de nous puisse être avec nous dans le malheur et nous donne le courage et l’intelligence de nous en sortir ».

En termes clairs, pour l’obtention de l’indispensable esprit d’unité, il faut la mise en commun, le talent, la force, le courage et l’habilité pour reconstruire le pays au point de vue physique, moral, économique et spirituel, poursuit-il. Pour le plus haut dignitaire de l’Église anglicane au pays, il faudrait mettre une sourdine aux « luttes intestines » qui « empêchent d’avancer ».

« L’heure est grave, les défis sont grands », souligne Mgr Zaché Duracin. Le respect des normes parasismiques est essentiel. L’État, la société civile, chaque citoyen, chaque citoyenne doivent assumer leurs responsabilités. 7, chif pwen.. En créole, Euvonie Georges Auguste, mambo, prêtresse vodou, à cœur ouvert, dans le speech du plus poignant, revient sur le fait que, contrairement à une croyance répandue que le séisme du 12 janvier est « une fatalité », « une punition », sur l’urgence de construire une résilience collective et dépasser les clivages pour offrir un pays meilleur aux survivants du séisme, aux victimes du chômage, de la misère, de la pauvreté qui participe au renforcement de la vulnérabilité.

Il faut le faire.

Avec un leadership collectif haïtien. 2017 correspond aux 7 ans du séisme, le chiffre 7 qui est le chiffre du « pwen », d’un gage de courage, de force, et de détermination, soutient Euvonie Georges Auguste, chantre la révolte pour faire sauter de la pauvreté dans nos esprits, militante ouverte de la cause de l’émergence d’un « leadership collectif ». L’unité, l’imagination pour bâtir la résilience reviennent aussi, cette fois sur les lèvres de Mgr Pierre André Dumas de l’Église catholique apostolique romaine qui évoque l’extraordinaire élan de solidarité après le tremblement de terre.

Par rapport aux aléas sismiques, il est nécessaire d’éduquer, de conscientiser la population tout en travaillant sur des mesures sociales et économiques dans le but de créer un environnement plus sûr. Cela participe d’une gestion intelligente des risques, souligne-t-il. En écho à ces leaders religieux, l’ingénieur Claude Prépetit, l’apôtre dans le désert de l’incurie, de l’incrédulité des pouvoirs publics, de la société face à la menace sismique avant le 12 janvier 2010, a dressé un tableau qui donne froid dans le dos.

Entre cyclones, inondations, sécheresses, tremblements de terre, tsunamis, glissements de terrain, liquéfactions de sol, Haïti sous des mauvaises latitudes et longitudes, logée à l’enseigne des catastrophes et de la mauvaise gouvernance, peut avoir un rendez-vous durable avec la pauvreté, la pauvreté extrême si le sursaut n’intervient pas pour la mitigation de ces risques, détaille Claude Prépetit, scientifique froid, capable d’analyse sur des choses graves, sans laisser transpirer ses sentiments. « Ces risques ne sont pas une vue de l’esprit », glisse-t-il, comme pour recadrer tout reflexe d’incrédulité. Haïti n'a d’autre choix que la prévention. Il faut avoir des comportements aux menaces. Prépetit, diagnostic froid pour de chaudes préoccupations

À côté de la sensibilisation, Claude Prépetit évoque les politiques publiques. Pour lui, le pays doit « intégrer la réduction des risques dans les politiques de développement », appelle-t-il. Le chef de l’État, Jocelerme Privert, après avoir « honoré » les disparus à Tintanyen, estime lui aussi que le pays ne peut pas « se limiter à ce deuil. Ce n’est pas suffisant ». «Créer un nouveau cadre, une nouvelle posture.

Des actions sont indispensables, plaide le chef de l’État qui, au passage, jonglant d’une catastrophe à l’autre, a décerné aux représentants de la République dominicaine, de l’ONU, l’Union européenne, des États-Unis, de Cuba, de la Colombie, du Vénézuéla, de la société des Croix-Rouge aux coopérants du domaine médical, au Système national de gestion de risque et de désastre des « médailles de reconnaissance ». La mention de la reconnaissance souligne que les médaillés l’ont été pour avoir, après le passage de l’ouragan dévastateur Matthew, « orienter leurs aides à travers des canaux du gouvernement ».

De Sandra Honoré à Vincent Degert en passant par Peter H. Mulrean, Ruben Sillie Valdes au nom de leurs pays respectifs, tous les diplomates ont mis en avant l’amitié entre les deux pays et renouvelé l’engagement de leur coopération, de leur soutien au peuple…En milieu d’après-midi, au Champ de Mars, des orchestres ont rendu hommage en musique aux disparus alors que le président élu, Jovenel Moïse, et sa femme Martine Moïse se sont rendus au mémorial des Titanyen. Le prochain locataire, jusqu’au bout du recueillement, n’a fait aucune déclaration à la presse.

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